Le réveil de Vacher


L'abominable Vacher a été exécuté ; la société l'a, non pas puni, le châtiment ne serait pas équivalent à ses crimes, elle l'a supprimé, elle s'est délivrée de lui ; c'est ce qu'elle avait de mieux a faire. Si, écoutant certains philanthropes, on avait enfermé Vacher, il est bien probable qu'il se serait évadé et de nouveaux crimes auraient été commis.
Au reste, les âmes sensibles et inquiètes se peuvent rassurer. Vacher simulait la folie ; il était parfaitement responsable de ses actes. L'examen, après sa mort, de son cerveau a fait reconnaître que sa raison était entière.
Quoi qu'on en ait dit je ne crois pas, d'ailleurs, qu il ait conservé de grandes illusions sur le sort qui l'attendait.
A son réveil, il a bien encore, essayé de prononcer quelques paroles de mysticisme incohérent, mais reconnaissant bien vite que c'était inutile et qu'il n'était plus temps, il a repris le langage ordinaire.
Par exemple, lorsque le fourgon qui le transportait est arrive sur la place de Bourg où devait avoir lieu le supplice, il a refusé de descendre; couché à plat ventre, il criait :
- Portez-moi si vous voulez, je ne bouge pas !
Les aides l'ont descendu la tête la première et l'ont porté ainsi sur à planche.
L'exécution de Vacher a été la dernière du bourreau Deibler à qui son fils succédera désormais.

Le Petit Journal illustré du 15 Janvier 1899