A Londres MEETING EN FAVEUR DE
LA PAIX Cela venait de ce que toute l'Angleterre n'est pas aussi belliqueuse que M. Chamberlain et les jingoïstes qui le suivent; il est des Anglais qui ne veulent point tant de mal au président Krüger et au Transvaal, sentant bien qu'ils ne se laisseront pas avaler sans se mettre en travers et que la cavalerie de Saint-Georges n'évoluera pas aussi facilement que parmi des nègres stupides et corrompus. On avait donc organisé en faveur de la paix, et naturellement les amis du ministère firent rage pour empêcher les orateurs de parler. Comme ils criaient le plus fort ils l'emportèrent. Nous avons eu aussi à Paris, au début de la campagne de 1870, des gens qui hurlaient si formidablement: « A Berlin!» que l'on n'entendit point ceux qui conseillaient au moins quelques mesures de précaution. *** La semaine **** J'ai devant les yeux une carte toute récente du continent africain méridional, à l'aspect de laquelle on se pose tout de suite cette question : En quoi diable l'existence indépendante de la république Boer du Transvaal peut-elle gêner l'Angleterre dans son projet de réunion de ses possessions du Cap aux bouches du Nil par un chemin de fer transafricain? On voit, en effet, sur cette carte, que l'amorce méridionale du chemin de fer en question se prolonge, sur un développement dépassant, déjà 2,000 kilomètres, de la ville du Cap à Fort Salisbury, situé à 250 kilomètres environ du grand fleuve Zambèze, c'est-à-dire outrepassant de beaucoup les régions transvaaliennes. Le Transvaal n'est donc point un obstacle à la construction de la grande ligne anglaise projetée entre le Cap de Bonne-Espérance et la vallée du Nil, puisque cette ligne se continue, à l'Ouest des États libres d'Orange et du Transvaal, et le long de leurs frontières occidentales, sur les territoires britanniques de la Rhodesia... On est tenté de dire aux ingénieurs anglais « Faites donc comme le nègre, continuez! Qui vous empêche de pousser de l'avant dans la direction des grands lacs et du Nil ? personne ne se mettra en travers que l'on sache... pas même à Fachoda, hélas !.. , » Oui-dà ! C'est que ce n'est pas tout que d'avoir la voie libre devant la poussée du fameux chemin de fer transafricain !. **** Ce qui importe à M. Chamberlain et à quelques autres hauts et puissants personnages, paraît- il, c'est de sauver d'une imminente déconfiture le syndicat de l'Afrique centrale, cette « Chartered », dans laquelle sont compromises de grandes, de très grandes situations, non seulement financières, mais politiques et aristocratiques, voire plus qu'aristocratiques... Or, la mainmise sur les
mines d'or du Transvaal accommoderait à merveille, vous le comprenez,
les affaires de la fameuse, mais peu chanceuse Chartered. Seulement l'attitude
très résolue des Boers commence à donner à
réféchir aux Anglais doués du sens pratique et qui
ne sont pas inféodés aux intérèts de ladite
Chartered. De ce côté-là, on suppute ce que pourrait
coûter la guerre avec le Transvaal et un journal indépendant
évaluait l'autre jour à 1,800 millions, au bas mot, la guerre
désirée avec tant d'âpre ardeur par M. Chamberlain. En 1888, la campagne égyptienne contre Arabi coûta 340 millions et nécessita l'emploi de 20,000 hommes. La guerre d'Afghanistan, où l'on se trouvait en présence de gaillards qui avaient la prétention de se défendre à outrance, ne coûta pas moins de 612 millions. Et déjà le transport des contingents indiens amenés de Bombay et de Ceylan à Port-Natal a coûté une dizaine de millions... ****
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