L'artillerie contre la grêle
On sait les terribles désastres que cause la grêle, fauchant
les moissons, abattant les fruits, ruinant en un mot les contrées
sur lesquelles elle s'abat. Depuis longtemps, on essaye de la combattre
par un moyen original dont l' idée appartient à Benvenuto
Cellini, le célèbre ciseleur du seizième siècle,
dont le génie, comme celui de Michel Ange, était universel.
Grand homme de guerre, une légende veut que ce soit lui qui ait tué
d'un coup d'arquebuse le traître connétable de Bourbon, il
rêva d'opposer l'artillerie à la grêle. Mais ses expériences
ne furent pas trouvées concluantes et l'on y renonça. Ce n'est
que dans ces derniers temps, il y a, cinq ans environ, que les habitants
de Trieste les reprirent pour leur compte. Leurs premiers engins d'abord
très primitifs se perfectionnèrent et leur usage se répandit
en Italie. Mais leur application définitive devait être réglée
par un de nos compatriotes, M. Guinand, de Denicé-en-Beaujolais près
de Villefranche-sur-Saône. Ses canons contre la grêle ressemblent
à d'immenses flûtes à champagne, de trois mètres
de hauteur, dirigés vers le ciel ; au fond se trouve la chambre où
l'on met la cartouche de 80 grammes de poudre qu'enflammera un percuteur.
Il dispose ses pièces à 500 mètres l'une de l'autre,
44 suffisent à garantir 25 hectares. Quand les nuages s'amoncellent,
quand la grêle est dans l'air, sur un signal de lui, ses canonniers,
pris parmi d'anciens artilleurs de l'armée, font feu, et le ciel,
au lieu d'envoyer la grêle meurtrière, ne répand plus
qu'une ondée fine et douce, qui vivifie la récolte au lieu
de la détruire. Les essais tentés jusqu'ici ont presque toujours
réussi, et si l'on songe que, par hectare, la dépense nécessitée
est à peu près de 4 francs, par an, on reconnaîtra que
M. Guinand et ses collaborateurs ont rendu un bien grand service à
l'agriculture.
Le Petit Journal du 7 Juillet 1901