Le Chah de Perse au Bois de Boulogne

Une course du kilomètre en automobile

Le Chah de Perse aura, durant son séjour parmi nous, témoigné de l'intérêt très grand qu'il porte à tout ce qui est la vie de Paris et par conséquent de la France entière. Le Petit Journal a raconté la flatteuse visite qu'il a reçue il y a quelques jours. Les automobilistes français, dont la supériorité écrasante s'est affinée dans toutes les épreuves internationales, ont droit aussi de s'enorgueillir de l'attention que prête à leurs progrès Mouzaffer-ed-dine. Le chah de Perse n'aime que médiocrement le chemin de fer - il fait volontiers ralentir la vitesse des trains - et pas du tout les bateaux à vapeur. Il fut très difficile de le décider à passer la Manche pour venir en Angleterre, et l'on raconte que, plutôt que de travers la mer Caspienne, il la contourne avec une escorte de six mille hommes dont une partie marche en avant pour établir les campements. Mais le roi des rois adore les automobiles : il en a commandé plusieurs, déjà en route pour Téhéran. Récemment, il fit part au marquis de Dion de son désir d'assister à une course du kilomètre. Le grand constructeur, l'aimable et très actif vice-président de l'automobile-club, en un instant prit toutes les mesures nécessaires. Par ses soins, on installa pour le chah, en face de l'entrée du pesage de longchamp, une tribune où il se tint à la disposition de l'auguste visiteur, lui fournissant avec bonne grâce et clarté toutes les explications nécessaires. Le départ était au moulin et la piste s'étendait sur un kilomètre. Quarante-deux concurrents s'étaient fait inscrire ; trente seulement partirent. Le terrain était gras et boueux : cela rendit la course un peu moins intéressante, en même temps que la fantaisie d'une dame qui faillit occasionner une terrible bousculade en arrêtant sa voiture devant le chah pour lui prodiguer des salutations trop prolongées.

Tout se passa bien néanmoins et Mouzaffer-ed-Dine se retira, ravi de l'accueil que le monde cycliste lui avait fait, et de plus en plus enthousiasmé pour l'automobilisme et les excellentes machines françaises.

 

Le Petit Journal Illustre du 21 Septembre 1902