Départ de M. le vice-amiral Gervais

 

Le Journal officiel du 23 décembre 1902 a publié un décret en date du 19 décembre, aux termes duquel M. le vice-amiral Gervais est placé dans la deuxième section du cadre de l'état-major général de l'armée navale. C'est pour la marine française, pour notre pays et pour nos alliés, qui avaient confiance en ce chef émérite, une perle immense. La fatale limite d'âge a atteint M. le vice-amiral Gervais : il a soixante-cinq ans. Mais qui les lui aurait donnés, lorsque, droit et ferme, ce fier soldat passait en revue ses équipages qui l'adoraient, ou lorsqu'il prononçait quelques-unes de ces paroles énergiques, qui vont droit au coeur des marins et avec lesquelles il les aurait menés jusqu'au bout du monde? Tous avaaient confiance en lui, depuis les amiraux jusqu'aux plus humbles matelots ; tous avaient la foi la plus absolue en son mérite, en son coup d'oeil, en son courage, en sa loyauté et en sa bienveillance.C'était le marin accompli dans toute la force du terme, le chef idéal. Tout le monde le savait, exepté lui peut-être, car nul ne fut plus modeste et plus simple. La carrière du vice-amiral Gervais est superbe : cinquante ans d'embarquement. Dès le borda, où il entra en 1852, il montra ce qu'il sera plus tard. Le gouvernement le nomma attaché naval à Londres après quelques années de mer, et il étonna ses collègues par sa correction, son affabilité, autant que par la sûreté de son jugement. Vient le siège de Paris, il s'y conduit en héros. Vingt fois il brave la mort, et ses matelots,entrainés par lui, renversant tout ce qui leur fait obstacle : les Prussiens reculent épouvantés devant ces phalanges héroïques. Chef d'état-major du ministre, sans bruit et sans éclat, il fait une besogne telle que les effets de son trop court passage rue royale se font encore sentir. Enfin, à Cronstadt, c'est lui qui fut chargé de souder le premier anneau de l'alliance russe ; et l'on sait avec quelle magnifique ampleur il s'acquitta de sa noble mission. Dernièrement, il commandait notre armée navale ; et trois ans de suite les dernières manoeuvres qu'il dirigea inspirèrent à tous, alliés et adversaires, l'admiration pour notre flotte et pour son chef. La France qu'il aime et qu'il a contribué à rendre puissante n'oubliera point le nom de M. le vice-amiral Gervais ; elle gardera son souvenir parmi ceux des meilleurs de ses fils.

Le Petit Journal du 04 Janvier 1903