Arrestation de la famille Humbert Les Humbert sont arrêtés. Cette nouvelle étrange a stupéfié tout le monde : elle fait, à Paris, dans toute la France et à l'étranger, l'objet des commentaires les plus variés. Il a fallu infiniment moins de temps pour faire connaître l'arrestation que pour l'opérer. L'invraisemblable est devenu le vrai. C'est à Madrid, dans la capitale de ce pays où la police surveille avec un soin jaloux ( tellement les conspirations y sont redoutées ) le moindre étranger débarqué de la veille, qu'on a fini par découvrir cette famille de six personnes, grâce à une lettre anonyme assez étrange adressée, la veille de son départ, à notre ancien ambassadeur. Remarquons en passant que, bien qu'il s'agit d'un fait intéressant au plus haut degré le gouvernement français, l'ambassadeur de France n'a informé son ministre qu'après que l'arrestation était déjà opérée et quand il était trop tard pour y revenir. Un agent nommé Caro, à la tête de quelques hommes, se présenta brusquement rue Ferraz et arrêta au saut du lit Frédéric Humbert, Thérèse Humbert, Mlle Eve Humbert, Romain, Emile et Maria Daurignac. Ils songèrent un instant, paraît-il, à sauter par la fenêtre. Il furent détournés de cette intention par la vue des carabiniers qui entouraient la maison. Frédéric Humbert eut cependant le temps de brûler quelque papiers et six billets de banque de mille francs. Eve Humbert, dont la santé est depuis longtemps très ébranlée, fut prise d'une attaque de nerfs, dans les bras de sa mère. Les fugitifs étaient à Madrid depuis le 9 mai, c'est-à-dire depuis le lendemain de leur fuite ; ils habitaient une rue très fréquentée, au milieu de la ville ; ils avaient assisté, d'une fenêtre pavoisée aux couleurs espagnoles, aux fêtes du couronnement ; ils allaient au café français, aux offices religieux, aux courses de taureaux ; ils n'avaient jamais bougé de la ville, où ils s'étaient liés d'amitié avec quelques voisins ; Frédéric faisaient des portraits et l'incorrigible Romain avait noué ouvertement plusieurs intrigues amoureuses. Tout cela paraît bizarre à quelques esprits malicieux, et l'on émet bien des hypothèses. Mais faut-il jamais s'en rapporter aux mauvaises langues ? L'avenir nous l'apprendra, à moins qu'il ne nous apprenne rien du tout. Certain membre du gouvernement et beaucoup d'amis et de protégés n'ont pas intérêt à ce que la " grande Thérèse " bavarde trop. Vous verrez que tout s'arrangera... en famille.
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