La guerre civile au Maroc

 


Les événements qui se déroulent en ce moment au Maroc ne doivent pas laisser les Français indifférents. Sans être aussi inquiétante qu' il y a quelques jours, la situation dans l' Afrique du Nord ne cesse d' être encore fort troublée. Les troupes du jeune sultan Abd-el-Aziz (il n'a que vingt-deux ans) ont été mises en déroute par les partisans du prophète Bou-Hamara. Les villes de toute la région septentrionale de l' empire ont été razziée, les villages pillés et incendiés depuis le Riff jusqu'a Taza; un grand nombre d' hommes ont péri. Dans ces sanglants événements il faut voir encore une fois la main de l' Angleterre qui, par l' exagération de ses appétits elle manque de tact de ses agents et de ses commerçants, a exaspéré le peuple marocain. Le sentiment national est révolté des agissements de ces étrangers. Inutile d' ajouter qu 'à l' heure du danger, le sultant n'a plus trouvé auprès de lui ces amis fidèles autant que désintéressés, dont la présence lui a coûté si cher, et sur l' appui desquels il croyait pouvoir compter. On a vu, non sans quelque scandale, son confident, son favori, son conseiller intime, le correspondant d' un grand journal anglais, s' éclipser avec la rapidité de l' éclair, au premier symptôme de péril, prendre le large avec cette prudence qui est la première partie de la valeur, crever un cheval dans sa fuite précipitée, et ne s' arrêter, hors d' haleine, épuisé, qu' après avoir mis quelque soixante lieues entre l' insurrection et sa précieuse personne. Abd-el-Aziz comptait sur l' intervention active et immédiate de l' Angleterre en sa faveur: il n'a pas tardé à se convaincre de son erreur. Il a fait preuve, en cette circonstance, d' une certaine naïveté. Les puissances intéressées, au tout premier rang desquelles figure naturellement la France, ont défini avec promptitude et exactitude la situation et les obligations qu 'elle leur impose. Elles ont reconnu et proclamé qu'en soi, et jusqu'au nouvel ordre, les événements du Maroc ont le caractère d' affaires internes: il s' agit, d' une guerre civile, d' une lutte de prétendants: Il n' appartient à aucune tierce puissance de s' immiscer, de s' ingérer spontanément et de son chef dans de telles affaires. Par contre, il est du droit et du devoir des états intéressés de veiller avec attention sur la marche de la crise, afin de prendre en temps opportun toutes les mesures nécessaires pour la préservation de leurs ressortissants, maintien et la sauvegarde de leurs intérêts.

Le Petit Journal du 18 Janvier 1903