Protégés français massacrés par des soldats siamois

Le Courrier d' Haïphong nous apportait, il y a quelque jours, la nouvelle de violences et des meurtres dont auraient été victimes, à Tapha, ville située dans le Siam septentrional, des Français et des Anglais, à la suite d' une révolte d' une peuplade pillarde, les Chans. Le gouvernement de S. M. Chula Longkorn envoya pour les combattre six mille soldats réguliers, vêtus à l' européenne, bien armés d' armes de fabrication anglaise nouveau modèle, solidement encadrés, sous les ordres d' un général, qui les atteignirent à Tapha, et les dispersèrent facilement. La victoire n' offrit, d' ailleurs, aucun péril, les pillards s' étant dispersés à l' approche des réguliers, comme une bande de moineaux. Mais ce qui se passa ensuite est bien autrement grave et important. Les soldats réguliers du roi de Siam, envoyés pour rétablir l' ordre, se ruèrent, avec leurs officiers, par les rues de la ville de Tapha, pillant, brûlant, massacrant au hasard au cri de : " Mort aux étrangers !" La scène fut indescriptible. Ils assiégèrent les établissements appartenant à des Européens et entre autres l' agence de la compagnie anglaise Birmah Trading Company ; ils pillèrent la caisse, brûlèrent les livres, les magasins; ils massacrèrent plusieurs Anglais et fusillèrent notamment deux Laotiens, protégés français, leurs femmes, leurs enfants et leurs domestiques. Les malheureux, surpris par leurs soi disant défenseurs, furent massacrés avant d' avoir pu revenir de leur étonnement. Aucun Français ne fut tué. C' est vrai : ce n' en est pas moins une manifestation bien inquiétante de l' état d' esprit de ces Orientaux à l' égard des Européens. Les représentants de la France et de l' Angleterre ont protesté énergiquement contre ces odieux et caractéristiques. Le gouvernement siamois a essayé de se disculper en accusant mensongèrement les rebelles. Mais il a été aisé de le convaincre d' imposture. Dès que la nouvelle de cette agression parvint à Bangkok, la légation de France et la légation d' Angleterre présentèrent des réclamations au gouvernement siamois. Celle de la légation d' Angleterre visait à la fois la mort des sujets anglais et le dommage subi par la " Birmah Trading Compagny". Cette de la légation de France se référait au meurtre des deux Laotiens, protégés français, et demandait, outre une indemnité d' environ 9,000 francs, une enquête sur les responsabilités engagées et les sanctions à prendre. Le gouvernement siamois ayant constaté le bien fondé de notre réclamation, a informé, il y a six semaines, M. Datasta, chargé d' affaires de France, qu' il avait décidé d' y donner satisfaction.

Le Petit Journal du 5 Avril 1903