Les Achantis au Jardin d' Acclimatation

Ils sont vraiment bien curieux à voir les nègres Achantis, que la direction du Jardin d' Acclimatation a fait venir de la Côte-d' Ivoire pour les montrer à ses visiteurs. Imaginez un village tout entier, hommes, femme, enfants, installés sur la pelouse immense, exactement comme dans leur lointain pays. Les habitations sont pareilles; et le public peut assister à la vie de ces nègres superbes, absolument comme si l' on avait fait le voyage si long et si coûteux de la côte d' Afrique. Ici, de gracieuses jeunes filles exécutent des danses du pays et chantent, en s' accompagnant, d' originales mélopées; non loin, des enfants s' instruisent sous les ordres de leur maître d' école ; là, un orfèvre cisèle des bijoux très fins ; un tisserand prépare des étoffes aux nuances éclatantes ; enfin des femmes, au moyen d' instruments primitifs, accommodent le repas de toute la tribu. Gravement, plein de dignité, le roi de la tribu Achantis, entouré de ses femmes, de ses enfants et de ses serviteurs, préside, assis sous un énorme parasol marron, aux danses, aux travaux et aux jeux de ses noirs sujets. Ce que nous ne verrons probablement pas, c' est une scène de divorce : la chose se passe de façon simple et originale. Lorsque deux époux achantis, ayant assez l' un de l' autre, ont résolu de se séparer, ils se tracent mutuellement sur la joue une raie à la craie ; et tout est dit. Chez nous, c' est infiniment plus compliqué et puis, il serait indispensable de remplacer la craie par un morceau de charbon. Les Achantis paraissent faire très bon ménage entre eux ; c' est un plaisir instructif que de les voir vaquer à leur coutumières occupations et de se donner ainsi, pour une somme des plus modiques, l' illusion d' un voyage aux lointains pays du soleil d' où ils viennent.

Le Petit Journal du 31 Mai 1903