Dans le sud Oranais

 

L' agression de Figuig - Énergique répression

A maintes reprises M. Revoil et les officiers auxquels le garde de notre frontière algérienne est confié avaient signalé au gouvernement le très grave danger que font courir les pillards marocains. Mais le ministre de la guerre était hostile au déplacement de troupes, le gouvernement boudait M. Revoil ; il ne bronchait pas, laissant piller nos convois, assassiner nos soldats, attaquer nos postes isolés, insulter notre drapeau. Les pillards marocains, devant cette incompréhensible patience et leur audace devenait inouïe. Les dangers qui menaçaient nos postes militaires étaient très grands. " Vous me permettrez de vous faire remarquer, écrivait, le 18 mai dernier, au président du conseil, M. Etienne, vice-président de la chambre, président du groupe colonial, que, du 1er septembre 1901 au 1er avril 1903, nous avons eu, dans ces attaques répétées de nos postes et convois, 50 tués et 43 blessés." Si, au début, le gouvernement avait pris les mesures qu' il prescrit aujourd'hui, il est à présumer que la paix régnerait depuis longtemps dans le Sus-Oranais, et que nous n' aurions pas à enregistrer le dernier et sanglant épisode de Taghit. La dernière très grave offense subie au col de Zenaga a été la goutte d' eau qui fait déborder le vase. Le gouvernement, malgré son désir d' éviter " une affaire " , s' est vu dans l' obligation de marcher. L' événement est des plus graves. Le nouveau gouverneur général de l' Algérie, M. Jonnart, se dirigeait vers la redoute de Beni-Ounif en compagnie d' un certain nombre d' officiers, de parlementaires et de journalistes,. L' escorte était conduite par le général O'Connor, l' un des plus jeunes et des plus brillants divisionnaires de notre armée. Après s' être approché à six cents mètres environ de Figuig, M. Jonnart revenait, avec son escorte, sur ses pas, lorsque, à trois cents mètres environ, un premier coup de feu, le signal sans doute, éclata, parti des murailles de la ville, suivi d' une fusillade des plus vives. Les soldats de l' escorte ripostèrent avec la vigueur qu' on peut supposer. Un combat très vif s' engagea dans une palmeraie entre nos hommes, au nombre de 200 environ, et les Figuiguiens, qui pouvaient être 500 à 600. Pendant une heure entière, nos troupes restèrent entièrement à découvert, s' exposant à moins de 150 mètres au feu des Figuiguiens, pour attirer ces derniers hors de leurs trous ; mais les Figuiguiens restèrent à l' abri, sortant seulement la tête, tirant un coup de feu et se cachant aussitôt. Le 1er étranger, qui se trouvait à Beni-Ounif, se porta, sur ordre du général O'Connor, au secours de nos hommes, dont la situation devenais critique. Nous avons eu un mort et de nombreux blessés ; mais, ne voulant pas engager pour le moment une action à fond contre Figuig, nous fûmes obligés d' attendre des renforts de Beni-Ounif pour nous replier en ordre, par échelons successifs. Dès que nos troupes se retirèrent les fuguiguiens qui étaient encore valides sortirent tous de leurs tranchées, de leurs trous, pour tirer encore, presque à bout portant. La position de la 4e section devint à un moment si critique que trois autres sections revinrent en arrière pour la dégager. Le combat s' engagea alors presque corps à corps. Un figuiguien fut passé au fil de la baïonnette par un soldat de la Légion au moment où il allait tirer. Un autre eut la tête écrasée d' un coup de crosse. On s' est enfin décidé à agir ; maintenant il faut aller jusqu'au bout, ou se résigner à perdre notre empire du nord africain." Les événements de Figuig, nous disait M. Etienne, le lendemain de cette sanglante action, prouvent avec la dernière évidence qu' une grave erreur a été commise par le ministère, depuis plus d' un an, à l' égard des bandes de pillards marocains. Malgré les avertissement prodigués par M. Revoil, gouverneur général, et par tous les hommes, tant civils que militaires, compétents dans les affaires algériennes, malgré les conseils qu' ils donnaient avec insistance, d' effectuer des opérations de police dans les régions où notre domination est établie, malgré les avis et les prévisions, on a persisté à laisser impunies les attaques dirigées contre nos postes et contre nos convoies de ravitaillement. Cette impunité n' a fait qu' enhardir l' audace des agresseurs qui ont trouvé, pour les seconder, toujours les tribus échelonnées sur notre frontière. " L' attaque dont a été l' objet le gouverneur général en personne démontre que nos adversaires ont le sentiment qu' ils sont en état de nous faire reculer et de nous ramener jusque sur les haut plateaux." Souhaitons qu' après les cruelle expériences faites depuis un an, après la dernière surtout, le gouverneur, mieux informé et complètement édifié, soit résolu à prendre les mesures les plus énergiques pour châtier, comme il convient, l' agression brutale à laquelle M. Jennart a miraculeusement échappé."

Le Petit Journal du 14 Juin 1903