Réception de M. Edmond Rostand à l' Académie française

 

Ce fut une fête exquise que cette réception du poète aimé, du poète en vogue, à l' Académie française. Une fête, pas pour tout le monde, car les demandes d' y assister furent si nombreuses ( 5.000, dit-on) que le secrétariat de l' institut était sur les dents. Il y eut 1,500 élus seulement; mais combien serrés! Et les titres que l' on invoquait ! On en ferait une comédie bouffe ; mais M. Pingard, le chef du secrétariat, garde trop rigoureusement ses secrets pour qu' il nous soit permis de les dévoiler. Edmond Rostand est le plus aimable des hommes aussi lui pardonna-t-on assez longtemps d' être heureux. Mais son bonheur s' accentua et l' on commença à trouver que l' aiglon n' était peut-être point l' oeuvre la plus complète de l' époque. M. Rostand a écrit les Romanesques, dont le premier acte surtout est un véritable chef-d'oeuvre ; la Samaritaine où Sarah Bernhardt fut remarquable ; Cyrano de Bergerac applaudi dans le monde entier et où Coquelin fut étourdissant ; l' Aiglon, qui, pour n' être point la meilleure de ses oeuvres, renferme néanmoins des passages admirables , et dont la représentation à Rome vient de servir de prétexte à d' importantes manifestation patriotiques. Il est le mari d' une femme charmante, elle-même poète très délicat. L' Académie vient de consacrer sa gloire de la façon la plus flatteuse. Il n' a plus grand chose à souhaiter, mais nous avons, nous à espérer de lui beaucoup de belles oeuvres encore.

Le Petit Journal du 14 Juin 1903