Mariage du fils du bey de Tunis

 

Première entrevue avec la fiancée dans l' appartement des femmes

Les cérémonies du mariage du prince Sidi-Béchir-Bey, qui viennent d' avoir lieu au palais de Kassar-Saïd, furent superbes et très curieuses. Elles eurent lieu en présence de M. Pichon, résident général, et de tous les hauts fonctionnaires du protectorat. Le fiancé, fils du Bey de Tunis, épousait sa jolie cousine, fille de Nsar-Bey, héritier présomptif. Le matin du mariage, le Bey actuel, S. A. El-Hady-Bey, se tint dans le patio sur lequel s' ouvrent les grandes pièces du palais, y compris celle du harem gardée par cinq eunuques. Avec une grande affabilité et sa bonne grâce habituelle, il répondit aux assistants qui lui faisaient les compliments d' usage. Le fiancé, en grande tenue, paraît, soutenu sous les bras par deux princes de sa famille ; suivant la très ancienne étiquette, il semble défaillant et ne pouvoir se soutenir ; il avance très difficilement. L' étiquette exige qu' un prince qui va prendre femme, et qui va rentrer dans le lieu mystérieux qu' est le harem, où il verra pour la première fois la compagne de sa vie, se présente ainsi devant son père. Cependant, les eunuques ont soulevé les draperies qui masquent l' entrée du harem, et, au son des instruments, le prince, toujours tenu sous les bras par les deux officiers, est entré. Il ne reste que quelques instants auprès de sa rougissante fiancée. Pendant toute la visite, les flûtes, les tams-tams, les derboukas font un bruit infernal. Des voix grondent et glapissent sur tous les tons ; les femmes et les eunuques font entendre des " youyous" qui n' ont rien d' harmonieux. Le prince, précédé de deux eunuques, rentre alors dans le patio ; il s' incline de nouveau devant son père, lui baise la main et se retire. C' est alors que S. A. El-Hady-Bey conduit ses invités dans la salle à manger où sur une table immense se trouvent plus de cinq cents assiettes de bonbons, de fruits, de gâteaux, et des flacons de sirops variés.

Le Petit Journal du 28 Juin 1903