A la revue du 14 Juillet, il a été fêté et acclamé par la population parisienne, accourue en masse considérable sur l' hippodrome de Longchamp, le glorieux drapeau du 3e zouaves. De Constantine, où il était gardé, avec amour, par les descendants de ses glorieux défenseurs, le gouvernement avait décidé, dans un but très louable, de le faire venir à Paris pour paraître dans la grande revue, à laquelle devait assister le roi d' Italie, le petit-fils de Victor-Emmanuel, caporal au 3e zouaves. Le roi a retardé son voyage à cause de la maladie du pape, mais ce n' était pas une raison pour ne pas fêter le 3e zouaves et son glorieux étendard. Ce fut une marque de sympathie devançant celles qui attendent l' héritier de notre compagnon d' armes de Palestro lorsque, dans quelque semaines, il viendra nous visiter. On sait que, à Palestro une division italienne était à ce point compromise qu' elle était perdue, que l' issue de la journée menaçait d' être fatale à l' armée franco-italienne sans l' intervention foudroyante du 3e zouaves, qui laissa sur le terrain une énorme partie de son effectif et vint changer la face des choses et décider de la victoire. Au plus fort de la bataille, le roi d' Italie Victor-Emmanuel, enthousiasmé par tant de bravoure, électrisé par le spectacle de la furia française auquel il avait assisté d' une hauteur voisine, s' élança parmi les zouaves et s' écria : " Braves Français ! il y a ici de la gloire à conquérir pour tout le monde ! " Et le royale allié montra si belle énergie, une si grande insouciance du danger, qu' elles lui valurent l' admiration enthousiaste de ses compagnons d' armes. La journée finie, les zouaves voulurent témoigner au roi ce qu' ils ressentaient, mais la formule les embarrassait, quand l' un d' eux trouva une idée vraiment française : - Si on le nommait caporal aux zouaves ? Et le soir même, une délégation du régiment s' avançait vers la tente royale. Elle fut admirablement reçue. Sur l' uniforme de maréchal du roi Victor-Emmanuel, on appliqua tout simplement les modestes galons de laine rouge de caporal. Cette flatterie spontanée, si française dans son élan, sa simplicité et sa bonne grâce allèrent droit au coeur du roi d' Italie. Tant qu' il vécut, à l' appel de son nom : " Le caporal Victor-Emmanuel ?" le plus vieux sergent du régiment répondit : Détaché comme roi en Italie ! " n' est-ce pas que le drapeau du 3e zouaves avait bien sa place à longchamp ? Il a été accueilli comme il fallait qu' il le fût. Transporté à bord du paquebot Ville-de-Barcelone, il est arrivé à Marseille accompagné du capitaine Thondenel, du lieutenant Derother, du sergent Perris et de quatre zouaves. Son colonel l' attendait et, parmi les acclamations de la foule, il a été reçu avec l' émotion la plus vive, on peut dire les larmes aux yeux, puis conduit à la gare comme un souverain. La musique du 3e régiment d' infanterie l' escortait et tout le monde, sur son passage , s' inclina : on comprenait que c' était un peu de la gloire de la vieille France qui passait, enroulé dans les plis tricolores du drapeau des zouaves héroïques de Palestro.
Le Petit Journal du 26 Juillet 1903