Viens Poupoule ! viens !

 

Qui ne connaît le refrain, on pourrait dire : la scie populaire à la mode, " Viens Poupoule ! viens " ? Cette chanson est dans toutes les bouches : on la chante partout, dans les concerts, dans les familles, dans tous les pays, et jusque dans les cours étrangères, où l' on aime toujours à s' approprier les plus ou moins spirituelles nouveautés qui ont pris naissance à Paris. " Fiens Bouboule ! fiens ! " clament d' une voix de stentor les chanteurs allemands en se tenant les côtes; et tous les Teutons, mis en joie, de reprendre en choeur: " Fiens Bouboule ! fiens !" La Louve romaine et le Lion britannique le chantent d' un air tendre sur notre dessin de première page, en s' adressant au Coq gaulois fier de son importance. Après les sombres jours d' isolement, de bouderie et même d' hostilité, les peuples viennent au vieux Coq, j'dis si fier, si glorieux, et de leurs voix les plus engageantes, lui chantent l' air populaire :

Viens Poupoule ! Viens !

Et le coq gaulois, plein de confiance, est sur le point d' aller à eux. Soit ! que l' amitié, que la concorde règnent entre nous et nos voisins. Concluons avec eux de bons traités qui peuvent améliorer notre situation commerciale et industrielle; tout cela sera pour le mieux. Sous réserve pourtant d' une toute petite condition, c' est que cette fois-là, la France généreuse et trop confiante ne fera pas un métier de dupe. Dame ! c' est que cela s' est déjà vu ! Et nous avons bien des motifs de nous méfier encore aujourd'hui de la " bonne foi britannique" , pour ne parler que de celle-là, et nous n' avons pas à remonter très loin dans nos souvenirs pour nous rappeler de quelle façon nos bons amis les Anglais, qui sont tout sourire quand ils ont besoin de nous, nous remercient de notre confiance et de notre bonne foi. On nous affirme que les entrevues du président Loubet avec Édouard VII et le roi Victor-Emmanuel doivent aboutir à la consolidation de la paix universelle. Tant mieux !

Mais il ne servirait de rien, dictons-le-nous bien, de nouer des relations utiles avec nos voisins, de former des alliances rassurante, de constituer en face de l' Allemagne envahissante et belliqueuse un redoutable groupement, si nous n' apportons à cette coalition la forme offensive sur laquelle elle serait en droit de compter.

Le Petit Journal du 9 Août 1903