Le Conclave

Le Conclave s' est ouvert suivant les règles adoptées en 1274 et bien peu modifiées depuis cette date déjà lointaine. Comme au XIIIe siècle, les cardinaux ayant attendu dix jours, après la mort du pape, pour laisser à leurs collègues étrangers, éloignés de Rome, le temps d' arriver, se sont laissé murer dans le palais du Vatican. Le mot Conclave exprime bien l' idée de cette séquestration, la traduction familière en serait " sous clef ". On interne donc les cardinaux dans le Vatican pour les soustraire aux influences du dehors qui pourraient influer sur leurs décisions, sur leurs votes. Dès que la mort de S. S. Léon XIII a été annoncée, les architectes des palais pontificaux ont pris leurs dispositions pour les travaux en vue de l' adaptation du palais aux réunions du Conclave, comme cela avait eu lieu à la mort de pie IX. Les arcades de la cour de Saint-Damase ont été bouchées par des cloisons de plâtre et de bois peint, et l' on a étendu une couche de vernis blanc sur les vitrages par lesquels on avait vue sur l' extérieur. Un seul guichet reste ouvert ; il servait autrefois à passer aux reclus leur nourriture. Aujourd'hui, on a adopté le parti plus simple de construire des cuisines dans la partie du Vatican réservée au Conclave. Cardinaux, secrétaires conclavistes et serviteurs, il n' a pas fallu loger moins de trois cents personnes. Les appartements des cardinaux se tirent au sort dans un sac ; cette fois il a été fait des exceptions en faveur de quatre ou cinq d' entre eux qui sont souffrants. Pour leur éviter des fatigues, on les a logés de plain-pied avec la chapelle Sixtine, qui, on le sait, sert de salle de vote pour les conclavistes. C' est là qu' après avoir entendu la messe et prié le Saint-Esprit de les éclairer, les cardinaux électeurs délibèrent, en séances plénières, matin et soir ; ils sont installés, tout autour de cette salle merveilleuse qu' illuminent les peintures de Raphaël, sous un petit dais, devant un bureau muni de bulletins de vote. Le scrutin se fait sur l' autel même. Les bulletins sont déposés dans un calice, et brûlés après la proclamation du vote. Quand le vote n' a pas donné de résultat, on les mêle à la paille humide, pour que la fumée soit plus épaisse. Le peuple qui guette au dehors est averti qu' un pape vient d' être élu, en ne voyant sortir de la célèbre cheminée, qu' un tout petit filet de fumée : c' est qu' alors on n' a fait brûler que les bulletins seulement, sans autre corps étranger. Quand un cardinal a recueilli les deux tiers des voix de ses collègues, on lui demande s' il accepte d' être proclamé pape ; sur sa réponse affirmative on fait tomber les dais qui couvrent les fauteuils des autres cardinaux ; il ne reste que celui du nouveau pontife. Il est conduit ensuite dans une salle voisine où on le revêt du costume blanc qu' il portera désormais.

Le Petit Journal du 9 Août 1903