Pour les petits

 

Colonie de plein air pendant les vacances scolaires

Après les labeurs de l' année scolaire, les enfants ont, enfin, entendu sonner l' heure bénie des vacances. Les voitures surchargées de malles, de jouets, d' instruments de pêche, ont transporté les enfants de condition aisée avec avec leur famille aux différentes gares, d' où, joyeux, ils se sont envolés, qui vers les champs et la forêt, qui vers la montagne ou la mer. L' éloge des vacances n' est plus à faire : il est classique et banal. Le bon Rollin lui-même et les autres pédagogues célèbres ne pouvaient, tout en comprenant l' utilité des vacances scolaires, prévoir l' importance croissante des vacances dans les pérégrinations des éducateurs du vingtième siècle. Mais qu' y a-t-il de changé pour les enfants dont les parents n' ont pas le moyen de payer ces déplacements ? Certes, les pauvres enfants n' iront point à l' école (où d' ailleurs ils ne sont pas malheureux sous la surveillance de gens dévoués et expérimentés, de maîtres pleins de soins et d' attentions) ; mais ils seront forcément obligés de passer leurs journées de congé dans les squares étriqués ou dans les rues surchauffées des grandes villes, pleines d' effluves malsains ; trop souvent, hélas ! exposés à entendre de mauvais propos, à être témoins de déplorables et démoralisants exemples, sans parler des autres dangers. Les amis de l' enfance et de l' école ( au nombre desquels le grand organe populaire le Petit Journal s' inscrivit en tête) ont fait de louables efforts pour combattre, par le bon air , l' invasion tuberculeuse contre laquelle toutes les forces nationales devraient être coalisées. Ils ont eu l' idée géniale de créer des colonie de plein air. Des sociétés ( le Petit Journal en parlait dans un récent article de tête) se sont formées qui, généreusement, offrent aux écoliers chétifs, à ces déshérités, un peu de ce bon air dont ils ont si grand besoin pour se refaire du bon sang, - pour mettre un peu de joie dans ces chers petits esprits si vite envahis par les sombres appréhensions d' une existence laborieuse.

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L' initiateur véritable des colonie de plein air a été M. Bien, de zurich, dont le nom mérite de passer à la postérité. Les promoteurs français sont M. Lorriaux, Mmes Edmond de Pressensé et frank Puaux, pour pour les oeuvres privées, et Edmond Cottinet, l' auteur dramatique, pour la bienfaisance officielle. Aujourd'hui, les colonies de vacances, sous leurs formes et dénominations variées, sont entrées dans la pratique universelle. Toutes les nations s' efforcent d' augmenter le nombre et la durée de ces séjours réparateurs à la campagne, à la mer ou à la montagne ; car ces oeuvres de préservation sanitaire ne s' enferment pas dans une formule absolue. En certains pays, au Danemark, en Angleterre, en Suisse, les colonies de vacances ont pris un développement considérable, et leur érudit historiographe, M. Arthur Delpy, constatait dernièrement avec regret, devant des membres de la Société internationale pour l' étude des questions d' assistance, que la France n' occupait, en 1899, que le sixième rang, comme importance, dans cette oeuvre d' assistance de premier ordre. Une association anglaise a envoyé à elle seule 34,259 enfants aux colonies de vacances dans une année. En France, l' été dernier, 21 enfants sur 100,000 ont été passer quelques semaines au bord de la mer, dans les montagnes ou dans les plaines, en bon air, tandis qu' il y en a 85 en Allemagne, 104 en Suisse, 116 en Angleterre et 552 en Danemark. Il serait facile de faire mieux. Il existe à Versailles une société qui demande seulement 10 centimes par mois au minimum à ses adhérents ; avec cela elle procure des vacances à 300 enfants. Elle les place à la campagne, dans des fermes, chez des paysans où ils boivent du lait pur, où ils prennent de l' exercice au grand air des champs, où ils apprennent la vertu simple et l' amour du travail au contact de braves gens. On a calculé que, dans ces conditions, le développement physique s' accomplissait en un seul mois autant qu' en trois trimestres à Paris. Le progrès moral est encore supérieur. Il faut donc développer les colonies de plein air, pendant les vacances scolaires. A la charité privée, aux pouvoirs publics, aux sociétés d' enseignement et de bienfaisance de s' intéresser à cette oeuvre de salut public et de faire le nécessaire. Il y va de l' intérêt national.

Le Petit Journal du 30 Août 1903