De Paris à Saint-Germain par la Seine

 

Le dîner des excursionnistes du Petit Journal

Tout le monde, malheureusement, ne peut pas s' offrir le luxe d' un congé. Il travailler pour vivre, pour nourrir les petits ; et puis les voyages, voire même le moindre déplacement, coûtent toujours cher. Il est bien pénible, d' autre part, de rester à Paris tout l' été, pendant les chaleurs, le dimanche surtout. Le Petit journal , organe essentiellement démocratique, a songé à ceux que la Fortune n' a pas favorisés, et il a voulu leur donner un peu de la joie de ceux qui ont eu plus de chance. Il a organisé des trains, des bateaux de plaisir. Ah ! ils en auront eu de la variété, nos chers lecteurs ! Tout d' abord le Petit Journal a délivré ses amis de cette gène terrible qui est l' embarras du choix d' une excursion. C' est lui qui a choisi leurs promenades, c' est lui qui a réglé les multiples questions de prix, d' horaire, d' itinéraire, de repas. Et cela, croyez-le bien, n' a pas toujours été facile ! Que de démarches, que de coups de téléphone, que de conversations, de discussions, de difficultés ! Enfin tout a été pour le mieux ! Successivement, il a conduit ses lecteurs au Tréport, à Trouville, à Deauville, à Compiègne, à Pierrefonds, à Calais, à Boulogne, à Bruxelles, à Dieppe, et cela dans des conditions de bon marché extraordinaires et avec un confortable... et avec une rapidité... Tenez, vous allez en juger par ce seul exemple. Le train de retour de Dieppe, parti une demi-heure seulement avant le grand rapide du soir, est arrivé à Paris trois-quarts d' heure avant lui. Pour varier (toujours varier), avant-hier dimanche le Petit Journal avait organisé un voyage vraiment fort amusant ; il a fourni à ses lecteurs l' occasion de voir tranquillement, tout à leur aise, la merveilleuse traversée de Paris et les bords de la Seine si délicieux, le long des 50 kilomètres de fleuve qui séparent Paris de Saint-Germain. Les excursionnistes du Petit Journal partirent de bonne humeur sur deux beaux bateaux à vapeur de la Compagnie des Bateaux-Parisiens, à 7 heures du matin, du quai des Tuileries et tout d' abord ils eurent, - gratuite surprise,- pour leur petit déjeuner, d' excellents biscuits accompagnés d' une non moins bonne tablette de chocolat et d' une copieuse tasse de bon lait frais. Le grand air du matin ouvre l' appétit! Pendant le trajet on servit gratuitement de la bière. Trois heures environ après le départ, nos sept cents voyageurs étaient à Saint-Germain, où l' excellente et très justement réputée musique de la ville les attendait sur le quai et les emmenait en ville, aux sons joyeux des marches les plus nouvelles ; puis ils visitaient la ville, les curiosités du célèbre musée, l' exposition d' horticulture sur le parterre et les splendeurs automnales de la forêt, dans de grandes voitures mises spécialement à leur disposition. A cinq heures et demie tout le monde rentra à bord pour repartir vers la capitale... et dîner. Des employés du Petit Journal remirent alors gratuitement à chacun des excursionnistes une coquette boite contenant : assiette, tire-bouchon, couteau, fourchette, verre, serviette, deux petits pains, hors-d'oeuvre, oeufs durs, viande froide, sel, fromage, sucre, fruits, dessert, eau filtrée, vin blanc ou rouge au choix, etc. Après quoi, l' on servit un excellant café chaud accompagné d' un flacon de rhum de première marque. Et le tout : voyage aller et retour, collation, lait , bière, dîner, dessert, café, liqueur, - le tout, vous dis-je, n' a coûté que ... trois francs cinquante. Vous ne vous étonnerez pas d' apprendre que, dès le premier avis, toutes les places furent enlevées, et vous comprendrez aussi le désespoir de la direction du Petit Journal de n' avoir pu - vu les difficultés d' éclusage - disposer de plus de deux bateaux. Mais on recommencera cette petite fête dimanche prochain, sur quatre bateaux cette fois dans les deux sens : toutes les places sont déjà retenues et l' on se propose de bien s' amuser. Pourvu qu' il fasse beau temps !

Le Petit Journal du 13 Septembre 1903