Suicide de M. Rosano

 

Ministre des finances en Italie

A peine constituer depuis quelque jours, le nouveau cabinet italien se trouve désagrégé à la suite d' un tragique événement. M. Rosano, ministre des finances, vient de se suicider à Naples. Il s' était rendu dans cette ville pour voir sa famille de directeur de l' institution de bienfaisance de Ravaschieri. Après avoir dîné en famille et causé assez longuement avec son cousin, le député Colosimo, il rentra dans sa chambre et se mit au lit. Vers cinq heures, il se leva, descendit dans son cabinet et, après avoir écrit quelques instants, se tira un coup de revolver en plein coeur. La mort fut instantanée. Quand, à six heures, une servante entra pour lui apporter son déjeuner, elle trouva M. Rosano penché sur son bureau. S' étant approchée, elle vit que son maître avait cessé de vivre ; aussitôt elle prévint MM. Municchi et Colosimo, qui accoururent en hâte après avoir averti le préfet. Un médecin et un prêtre survinrent également, dont les secours furent inutiles. Comme nous l' avons dit, le ministre des finances était mort. Sur sa table, on trouva cette lettre adressée à sa femme.

Je suis un homme honnête, j' ai les moeurs d' un homme honnête. Depuis trente jours, on lance contre moi des accusations d' une telle violence que que je ne puis plus résister. Je pardonne à mes fils qui m' ont causé de grandes douleurs, je pardonne à mes ennemis qui m' ont fait tant de mal. L' avenir me rendra justice. Pardonne-moi.

Pierre

Depuis qu' il était au pouvoir, M. Rosano était de la part du parti socialiste en butte aux accusations les plus violentes. On lui reprochait d' avoir été l' ami et le défenseur de Palizzolo ; on racontait qu' il avait donné 5.000 francs pour libérer l' anarchiste Bergamasco, ce que ce dernier avait d' ailleurs confirmé. M. Giolitti, président du conseil, avait toujours soutenu M. Rosano, son ami et l' avait réconforté de son mieux, mais sans parvenir à lui rendre le calme complet. Joignez à cela une autre source de soucis. M. Rosano n' avait pas eu de ses fils toute l' affection qu' il espérait et son coeur, assailli par tant de tempêtes, à sombré. M. Rosano s' est tué faute de savoir surmonter les peine qui l' assaillaient de toutes parts.

Le Petit Journal du 22 novembre 1903