Commandant en chef de l' armée anglaise aux Indes
La campagne du Transvaal, qu' il a achevée, mit grandement en valeur le nom de lord Kitchener dont la réputation du Soudan. Les Anglais se font un honneur de récompenser largement les services rendus, et il ne leur vient jamais à l' idée de prendre ombrage de la gloire de leurs hommes de guerre. Aussi, à l' encontre de ce qui se passe en France, où la gloire de nos soldats victorieux effare nos gouvernants (est-il besoin, à ce propos, de rappeler Dodds, Duchesne, Galliéni, Marchand et O'Connor ?), la rentrée du général Kitchener à Londres fut-elle un triomphe. Le roi lui confia le commandement en chef de son armée aux Indes. C' est une des fonctions militaires les plus importantes qui soient et ceux qui l' exercent sont désignés par cela même, dans l' avenir, à la situation la plus élevée dans l' armée. Or, ces jours derniers, lord Kitchener a été victime d' un accident très grave. Tandis qu' il était, aux Indes, en tournée d' inspection à une dizaine de kilomètres de Simla, son cheval fut effrayé par un coolie hindou qui se présenta soudainement au détour d' un mauvais chemin, et le désarçonna. Lord Kitchener a eu la jambe écrasée entre le flanc de sa fougueuse monture et une grosse pierre en saillie sur le bord du talus bordant la route. L' homme s' était enfui, tandis que le général tombait à terre. Par bonheur, des soldats indigènes reconnurent le cheval, qui avait galopé sur la route : l' alarme fut donnée, mais une demi-heure se passa avant qu' on pût amener un médecin et se procurer un brancard. Le général souffre, mais l' état général est satisfaisant. On recherche le coolie cause de l' accident. On se demande pourquoi il s' était caché en cet endroit sauvage et escarpé. Nous devons nous souvenir que le général fit sa première campagne dans les rangs de l' armée française pendant la guerre de 1870, et pour cela nous lui souhaitons une prompte guérison.
Le Petit Journal du 29 Novembre 1903