Un drame de cour

 

Vengeance de femme outragée

La famille impériale d' Autriche semble vouée, depuis quelques années, aux événements tragiques. On n' a point oublié le sombre drame encore mystérieux de Meyerling, qui coûta la vie à l' archiduc Rodolphe, héritier de la couronne, ni l' assassinat de l' impératrice. Voici qu' une archiduchesse de vingt ans, ravissante, aimée de tous, petite-fille du malheureux empereur François-Joseph, et fille de l' archiduc Rodolphe, vient de venger par un nouveau meurtre l' outrage fait à sa dignité de femme et d' épouse. La princesse Élisabeth de Habsbourg s' était mariée, il y a deux ans, avec le prince Otto Windiochgraetz, contre le gré de son grand-père, qui finit cependant par céder à ses prières. La situation de son fiancé était inférieure à la sienne ; mais elle l' aimait et rien ne put la décider à un autre choix. Pendant les premiers temps, rien ne troubla son bonheur, mais un jour vint où des soupçons sur la fidélité de son mari s' éveillèrent dans son esprit, et, comme toujours, il se trouva quelqu' un pour lui apprendre la vérité. Avec une violence indignation, la princesse acquit la certitude que son mari la trompait avec une artiste d' un théâtre tchèque, Mlle Ziégler. Aucun détail ne lui fut épargné; elle sut que les rendez-vous avaient lieu dans la villa de Verschovitz, près de Prague. Très surexcitée, elle se présenta à la villa, armée d' un revolver. Ce fut en vain qu' un domestique voulut lui barrer le passage ; l' archiduchesse outragée tira sur lui et le blessa grièvement. Le malheureux tomba en travers de la porte ; elle passa sur son corps. Après quoi, se précipitant sur Mlle Ziégler, elle la tua net à coups de revolver. Le mari infidèle, épouvanté, avait sauté, pendant que ce drame se déroulait, par la fenêtre : ce fut à cela seulement qu' il dut de ne point partager le sort de l' actrice. La cour d' Autriche, par ses ambassadeurs auprès des puissances, s' efforce de cacher la vérité et fait démentir le fait criminel que nous venons de raconter. Tous les journaux tchèques, anglais, allemands ou français maintiennent, malgré les démentis officiels, la triste réalité de ce drame.

Le Petit Journal du 20 Décembre 1903