A propos de l' inauguration des nouvelles salles

Une visite au musée de l' armée aux invalides

 

C' est une très heureuse et très patriotique idée qu'ont eue, il y a quelques années, un certain nombre de bons Français (parmi lesquels il faut compter les membres de la florissante Société de la Sabretache, dont l' éminent peintre militaire, Édouard Detaille, est l' âme et le dévoué président), de créer, à l' Hôtel des invalides, un Musée de l' armée. Nous possédions déjà, autrefois, rue Saint-Thomas-d'Aquin, où elles s' empilaient, quantités de pièces militaires curieuses que le grand public ignorait, qu' on n' allait guère voir. Après 1870, on décida de transporter ces précieux souvenir de nos gloires passées aux Invalides : et ce fut l' embryon du Musée de l' Armée. La société de la Sabretache proposa alors à l' État, qui accepta avec reconnaissance, de lui donner ses magnifiques collections ; ainsi, l' on fut immédiatement en possession d' objets glorieux des plus intéressants et de très grande valeur. Costumes militaires, fanions, drapeaux, armes, objets d' équipements, cartes et documents de toutes sortes - éloquents souvenirs des plus pures gloires de nos armées - arrivent de partout ; et, en 1896, sous l' habile et scrupuleuse direction, et aussi par le fait même de la patriotique générosité du général Vanson, s' ouvrait le Musée de l' Armée, aux Invalides. Ce Musée est maintenant, grâce aux efforts de son fondateur, du général de la Noë et de M. l' officier d' administration Amman, le très zélé conservateur actuel, qui vinrent ensuite, grâce surtout aux collectionneurs, aux amateurs d' objets d' équipement militaire et aux représentants des grandes familles militaires, devenu l' un des attraits de Paris. Au milieu de mille souvenirs, on retrouve au Musée de l' Armée les souvenirs des illustres blessés et des morts héroïques, la jambe de bois de Daumesnil et la tunique d' Adel Douai, trouée de balles à Wissembourg. On y voit complets les uniformes qui évoquent les grandes épopées et les légendes héroïques. Puis, des statues, des bustes, des portraits, des épées, des uniformes, des képis, des épaulettes, déchirés parfois, couverts de boue et de sang, des bâtons de maréchaux de France, tels que ceux des maréchaux Bugeaud, Canrobert, Mac-Mahon, Vaillant, Pélissier, Harispe, Castellane, etc.,etc... La piété de leurs descendants en a doté notre pays. Qu' ils en soient remerciés chaleureusement ; leur générosité sera féconde, puisqu' elle éveillera dans les âmes de ceux qui passent le désir d' imiter ces héros qui jetèrent tant de gloire sur le nom de la France. N' hésitez pas, vous tous qui possédez des reliques précieuses des gloires militaires de la France, quelque chères qu' elles vous soient, à vous en déposséder au profit de notre beau et cher Musée de l' Armée. Ce n' est pas, en effet, vous en séparer tout à fait que de les offrir au pays, à l' état, - c' est-à-dire à la collectivité, à la France. Et vous aurez conscience d' avoir travaillé au bien du pays qui, par de tristes temps que nous traversons, a bien besoin de bons exemples.

Le Petit Journal 20 Décembre 1903