Les surprises de l' automobilisme
Nous ne sommes décidément pas au bout des surprises avec les voitures automobiles. Saviez-vous, par exemple, qu' elles fussent estimées comme excellent comestible par les autruches? C' est pourtant un fait réel, paraît-il. Un général l' affirme ; et un général, fut-il général américain, comme dans le cas qui se présente aujourd'hui, ne saurait être accusé de malveillance contre les superbes oiseaux qui fournissent les plumes noires ou blanches du bicorne tant désiré. Donc, en Californie, précisons, à Coronado-Beach, le général Théodore Brump, fervent de sport moderne, se plaît à se rendre en automobile de sa maison de campagne à ladite ville où son service l' appelle. Or, sur la route, que le général doit parcourir, se trouvent d' immenses terrains de pacage où des éleveurs, marchants de plumes, entretiennent des quantités considérables d' autruches. Sitôt qu' apparaît la voiture du général, ces animaux, remplis sans doute d' admiration pour les pièces nickelées, les cuivres étincelants et brillantes couleurs de l' automobile (de marque française, naturellement), se livrent, à sa suite, avec des cris de joie, à d' effrénées galopades. Le général, qui a souvent avec lui sa femme et son petit garçon, n' aime pas à se livrer à des vitesse folles ; c' est tout au plus s' il fait du 40 à l' heure, vitesse qui n' a rien qui puisse déconcerter des autruches. Elles entourent la voiture et, tout courant, s' efforcent d' arracher les pièces brillantes à coups de bec. Elles y réussissent trop souvent, au gré du général. Les boulons, des bandes de cuivre, les clous dorés, les lanières de cuir verni, le bois peint qu' elles arrachent , elles les avalent ; le légendaire estomac d' autruche n' est point une fiction. Parfois même, si une panne arrête la voiture, pour calmer une soif bien naturelle après une pareille course et un tel repas, elles vident le réservoir à pétrole. Le général Brump n' est pas content, cela se conçoit. Il demande des dommages-intérêts, on ne saurait l' en blâmer.
Le Petit Journal du 10 Janvier 1904