Drame sanglant dans une ménagerie

La Goulue et son mari aux prises avec un puma

Vous connaissez, sans doute, l' histoire de cet Anglais flegmatique et narquois, mais amateur d' émotions violantes, qui, durant des jours, des mois des années même, suivit un dompteur de ville en ville, avec l' espoir de le voir dévorer par ses bêtes. Ce farouche insulaire eût, à coup sûr, éprouvé une fausse joie l' autre soir s' il se fût trouvé à la ménagerie tenue par l' ancienne danseuse réaliste La Goulue et son mari, le dompteur Joseph Droxler, dit José. José, il y a quelques jours, vit la mort de près: un puma furieux s' était jeté sur lui, le renversant et lui labourant de ses griffes le visage, les cuisses et les bras. Mais, en digne épouse et en courageuse belluaire, la vaillante Goulue veillait. Sans hésiter, elle pénétra dans la cage et parvint à détourner sur elle la rage du fauve. Les employés de la ménagerie eurent ainsi le temps d' arriver et, l' un d' eux, armé du revolver que lui passa un agent de service, abattit la bête, tandis que la foule se retirait sans panique, douloureusement impressionnée par cette scène sanglante. Le dompteur José, sérieusement blessé à la gorge et au bras, devra subir un repos forcé d' un mois ; mais la Goulue, quoique atteinte au poignet par la griffe du fauve, a repris dès le lendemain le cour de ses périlleux exercices. Son mari, qui, nous l' espérons, sera vite rétabli de ses blessures, doit la vie à sa vaillante compagne.

Le Petit Journal 24 Janvier 1904