Mort tragique de M. Lockhart

La vengeance, d' un éléphant

L' éléphant, chacun le sait, est un animal facilement domestiquable, mais fantasque et prompt aux révolte. Il est de ceux auxquels s' applique le mieux le dicton bien connu :

Cet animal n' est pas méchant,
Quand on l' attaque il se défend.

Aux Indes, au Siam et dans certaines de nos colonies d' Extrême-Orient, où les éléphants servent de bêtes de somme, on les voit dans les campagnes, sur les routes et par les rues, marchant d' un pas lent et grave, et écartant de leur trompe, avec sollicitude, les gamins imprudents qui jouent sur les chemin. Si pour eux le maître est doux et bienveillant, ces animaux s' attachent généralement à lui et lui marquent leur reconnaissance. Au contraire, s' ils sont battus, rudoyés et mal nourris, les instincts de la bête sauvage se réveillent subitement en eux ou bien couvent jusqu' au jour où ils trouvent l' occasion de satisfaire leur vengeance. C' est à la rancune d' un de ces pachydermes, qu' il avait sans doute traité avec sévérité, que George Lockhart, le célèbre dresseur d' éléphants que toute l' Europe a applaudi, vient de devoir une fin cruelle et affreusement tragique. Lockhart surveillait à la gare de Waltamstowe, en Angleterre, le débarquement de cinq éléphants énormes, lorsque le plus grand d' entre eux s' avisa de quitter le quai et de s' aventurer sur la voie ferrée. Lockhart, voyant le danger que courait l' animal indocile, s' élança pour le ramener. Mais celui-ci, furieux d' être dérangé dans sa promenade sur les rails, saisit l' infortuné dresseur avec sa trompe et, le poussant contre un des wagons placés sur la voie, pesa sur lui de tout son poids. Des cornacs, des employés, témoins du drame, se précipitèrent au secours de Lockhart ; mais il était trop tard. Ils ne ramassèrent qu' un cadavre horriblement écrasé.

Le Petit Journal du 07 Février 1904