HONNEUR AUX BRAVES !
Remise de la Médaille militaire aux Héros d' El-Moungar et de Taghit
Nos lecteurs n' ont pas oublié les deux glorieux faits d' armes accomplis par nos soldats d' Afrique en Août et Septembre 1903. A Taghit, du 17 au 20 Août, les troupes du poste, commanandées par le capitaine de Susbielle et composées d' une compagnie du 2e tirailleurs, d' un peloton du 1er bataillon d' Afrique, d' un peloton de la 2e compagnie montée de la Légion étrangère et d' une poignée de Maghzen, furent assaillies par un contingent de plus de 4,000 Bérabers parfaitement armés. Les troupes françaises, suivant l' expression même du général O'Connor, " firent preuve d' une discipline et d' une énergie incomparables" . Elles repoussèrent les attaques répétées d' un ennemi plus de dix fois supérieur en nombre, et elles infligèrent des pertes énormes aux assaillants, les forçant finalement à une retraite précipitée. Il y eut là des actes dignes d' une épopée, telle par exemple cette charge impétueuse du lieutenant de Ganay à la tête de ses cent Maghzen contre la muraille formidable des cavaliers ennemis. Ces spahis, ces goumiers fidèles à la France se montrèrent sublimes de bravoure et de sang-froids, dignes de leurs vaillants aïeux. " ils furent, dit un témoin oculaire, ce que furent en 1870 les turcos du colonel Suzoni : des Héros. "
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Quelques jours après cette glorieuse défense, nos soldats d' Afrique devaient donner une preuve nouvelle de leur abnégation et de leur dévouement à la Patrie française. Cent quinze hommes, commandés par le capitaine Vauchez et le lieutenant Selchauhansen, formant une partie de l' escorte d' un convoi parti le 28 Août de Djenann-Eddar, furent attaqués, le 2 Septembre, entre El-Moubgar et Zafrani, par une bande de 3,000 Marocains, et les premiers coups de fusil blessèrent ou tuèrent les deux officiers, les sous-officiers et plus de la moitié du détachement. Les hommes que les balles avaient épargnés (une quarantaine environ) , commandés par le sergent-fourrier Tisserand, se groupèrent sur une éminence voisine et, sous un soleil torride, sans eau, sur un sable calciné, tinrent tête à l' ennemi pendant huit heures. Ce n' est qu' à cinq heures du soir qu' ils furent dégagés par le capitaine de Sulbielle, accouru de Taghit à la tête de ses spahis. Ces braves, luttant ainsi un contre trente, avaient renouvelé l' exploit fameux de Sidi-Brahim.
Honneur à ces Braves!
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Ces faits glorieux de Taghit et d' El-Moungar viennent d' avoir un épilogue solennel à Aïn-Sefra. En présence de toutes les troupes réunies de la subdivision, le général Liautey a remis la Médaille militaire aux soldats Succel, Triunquart, Petit, Hartwieg et Ali-ben-Ziner, tous blessés grièvement au court des événements du Sud-Oranais. Trois de ces braves, après cinq mois de traitement, sont encore à peine guéris de leurs blessures. Ils s' appuyaient sur des béquilles pour venir recevoir, des mains de leur général ( un héros de Madagascar), la récompense si justement octroyée à leur vaillance.
Le Petit Journal du 14 Février 1904