8 Février 1904.

Ouverture des Hostilités entre la Russie et le Japon

Un coup de force des torpilleurs japonais contre l' escadre russe à Port-Arthur

Naguère, quand deux peuples entraient en lutte, ils ne le faisaient point sans un échange de cartels. Les preux chevaliers d' autrefois envoyaient leur gant à leur ennemi ; les souverains dépêchaient à leur adversaire une déclaration de guerre en règle : " Garde-toi, je me garde."

C' était correct, et l' on savait de part et d' autre à quoi s' en tenir. Seule de toutes les nations européennes, l' Angleterre faillit plusieurs fois à ce noble usage. Son allié, le Japon, vient de témoigner, pour la seconde, fois au monde étonné que, pas plus que la perfide Albion, il ne s' embarrasse de ces subtilités chevaleresques. Déjà en 1894, lors de leur différend avec la Chine, les Japonais coulèrent bas un transport ennemi, sept jours avant d' avoir avisé les légations étrangères de la déclaration de guerre. Ils viennent de renouveler ce facile exploit contre la flotte russe mouillée dans la baie de Port-Arthur. Dans la nuit du 8 au 9 Février, les bâtiments russes, après avoir fait leurs essais de bon fonctionnement, dormaient sur leurs ancres en attendant l' ordre de départ. C' était, il faut bien l' avouer, une insigne imprudence, étant donné le voisinage signalé de l' escadre japonaise. Ils l' ont chèrement payée. Sans méfiance, ils n' étaient point encore gardés par les puissants rayons lumineux de leurs projecteurs électriques et n' avaient à leur bord d' autre surveillance que cette établie au mouillage en temps ordinaire. Cette quiétude était explicable cependant dans une certaine mesure. Officiellement, la Paix n' avait pas encore été rompue entre la Russie et le Japon. Les torpilleurs japonais purent, à la faveur de l' obscurité, s' approcher de la flotte russe sans avoir à traverser de zone dangereuse. Parvenue à la portée, vers minuit, ils lancèrent leurs torpilles, et trois des principaux navires de l' escadre russe furent atteints : le Caesarewitch, cuirassé construit en France en 1901 ; le Retwisan , cuirassé construit en Amérique en 1900, et le Pattada, croiseur de première classe, construit en Russie en 1902. Ces trois navires, le Pattada, surtout, ont subi des avaries graves, mais pas aussi importantes que les journaux anglais se sont plu d' abord, à le raconter. Ainsi la guerre a commencé par un coup de force, sans déclaration préalable, sans notification d' hostilités ; et brutalement le canon a réduit à néant les efforts de la diplomatie et les voeux des amis de la Paix.

Le Petit Journal du 21 Février 1904