Les événements d'extrême-Orient

L' Empereur du Japon remettant les drapeaux à ses troupes

L' usage de donner des étendards aux armées est vieux comme le monde et se retrouve partout, en Extrême-Orient comme en Europe. Jadis, les troupes japonaises, comme aujourd'hui encore certaines troupes chinoises, n' allaient en guerre que précédées d' une infinité de bannières de toutes les formes et de toutes les couleurs. A présent que le Japon s' est modernisé, qu' il a copié l' organisation militaire européenne et pris aux armées occidentales leur hiérarchie, leurs costumes et jusqu' à leurs sonneries, il devait du même coup s' inspirer de leurs traditions en ce qui concerne le Drapeau. Là-bas, comme ici, chaque régiment a son drapeau, sur le fond blanc duquel se détache, en rouge vif, un soleil, l' emblème national. Ce drapeau, pour les petits Nippons, c' est le symbole de la Patrie bien-aimée, c' est une part de l' honneur du pays dont ils ont la garde, et qu' ils se lèguent tour à tour en passant au régiment. Au Japon, le Drapeau reçoit, de même que chez nous, les honneurs militaires, avec cette différence, toutefois, qu' au lieu de rester l' arme au pied, suivant la belle réforme du général André ( mesure qui remplit de stupéfaction tous les étrangers et froisse les patriotiques populations de France) , les troupes lui présentent encore les armes, comme à un souverain. Dès qu' apparaissent les glorieuses couleurs, claquant joyeusement à la brise, les clairons saluent leur bienvenue en jetant leurs notes claires dans les airs. La belle cérémonie militaire au cours de laquelle le Mikado vient de remettre lui-même les drapeaux aux régiments qui partent pour la guerre, a soulevé parmi les troupes des îles un très vif enthousiasme. Un jour, peut-être, quelque illustre peintre japonais fixera sur la toile le souvenir de cette scène patriotique et donnera un pendant extrême-oriental au mémorable chef-d'oeuvre du baron Gros : la Distribution des aigles, par Napoléon aux troupes françaises (Musée de Versailles).

Le Petit Journal du 6 Mars 1904