Pendant la bataille

Manoeuvre d' un canon à bord d'un cuirassé japonais

Les Japonais d' autrefois étaient des artistes mièvres et délicats qui se plaisaient à exécuter d' exquis travaux d' art et avaient atteint la perfection dans l' art du bibelot. Que de changements en trente ans ! Les Japonais d' aujourd'hui, poussés par une étrange mégalomanie, prétendent faire grand en toutes choses et visent à étonner le monde. Il ont bon d' ajouter que leurs bons amis les Anglais et les Américains, ne voyant que leur propre intérêt, les y poussaient le plus possible afin de leur fournir des armes et des cuirassés au prix le plus élevé. En 1870, les Japonais n' avaient encore que des jonques et quelques bateaux de bois. Ils possèdent, aujourd'hui, une formidable flotte de cuirassés, de croiseurs, de torpilleurs, même, le bateau le plus énorme de toutes les marines du monde est un bateau japonais. Sur ces montres de la mer, il ont, comme de raison, des pièces gigantesques. Les canons de 240 ou même de 320 millimètres ne sont pas rares dans les tourelles de leurs vaisseaux. Il y a là des pièces qui lancent des projectiles dont le poids n' est pas moindre de 450 kilogrammes, avec une charge de poudre sans fumée qui en pèse 100. A bout portant, ces obus percent une cuirasse d' un mètre ; à une distance de combat - 2,000 mètres environ - ils triomphent encore d' un blindage de 32 centimètres. L' usage de tels canons, qui peuvent tirer toutes les quatre minutes, est ruineux, car chaque coup revient à la bagatelle de 3,000 francs. Notez que ces pièces, qui ont plus de 12 mètres de longueur, ne pèsent pas moins de 66,000 kilogrammes. C' est un piquant contraste que de voir les Japonais, ces petits hommes, manier ces masses gigantesques. La gravure de notre huitième page représente la manoeuvre d' un de ces formidables canons à bord de l' un des cuirassés japonais qui ont pris part à l' attaque de Port-Arthur.

Le Petit Journal du 13 Mars 1904