Une cérémonie patriotique

Translation aux Invalides du coeur de La Tour d' Auvergne

Une solennité d' un caractère imposant s' est déroulée à l' Hôtel des invalides à l' occasion du transfert, dans la crypte de la chapelle, de l' urne d' argent qui contient, depuis bientôt cent quatre ans, le coeur du " Premier grenadier de la République ". Nous ne saurions, sans dépasser notre cadre, refaire ici l' histoire glorieuse de La Tour d' Auvergne ; et nous renvoyons nos lecteurs à l' article du Petit Journal, dans lequel Thomas Grimm a éloquemment résumé, le jour même de la cérémonie, cette admirable carrière, toute de désintéressement, de vaillance et de dévouement au pays. La tour d' Auvergne fut tué le 9 messidor an VIII, au combat nocturne de Neuhausen, près de Neubourg. Un uhlan lui transperça le coeur d' un coup de lance. Son corps, enterré solennellement à l' endroit même où il était tombé, a été transporté au Panthéon en 1889 ; mais son coeur, enfermé dans une urne d' argent, fut conservé pieusement par les soldats de la 46e demi-brigade. Cette urne, fixée sur un plastron de velours et portée par le fourrier du 2e bataillon du régiment, figura de 1800 à 1807 dans tous les combats auxquels prit part le 46e. A cette époque, elle fut déposée d' abord à la grande chancellerie de la Légion d' honneur, puis remise à la famille. Elle vient d' entrer enfin dans le sanctuaire de la gloire et du patriotisme. Escortée par le 43e d' infanterie, portée par les sous-officiers du régiment, elle a été remise aux invalides en présence du président de la République, du ministre de la guerre et du gouverneur de Paris. A l' issue de la cérémonie, elle a été déposée dans la chapelle Saint-Grégoire, où se trouve le tombeau du maréchal de Turenne, arrière-grand-oncle du héros. De telles solennités patriotiques sont réconfortantes et répondent triomphalement aux sourdes menées des internationalistes et des ennemis de la Patrie. Celle-ci n' est pas seulement un honneur rendu au souvenir d' un vaillant soldat et d' un grand patriote. Elle a une signification plus large encore. Elle exalte, en effet, la mémoire de ces soldats et de ces officiers de la Révolution et de l' Empire, de " ces hommes de caractère antique, fiers de la gloire du pays et insouciants de la leur propre", dont parle Alfred de Vigny ; elle est, un mot, toute à l' honneur de notre grande Armée nationale, où survivent toujours les plus nobles traditions de courage et d' abnégation à la Patrie.

Le Petit Journal illustré du 10 avril 1904