Le centenaire de la Légion d' Honneur
( 1804 -1904 )
La première distribution des croix
Tableau de Debret (musée de Versailles)
C' est dans la chapelle de l' hôtel des Invalides, ou plutôt, comme on l' appelait alors, dans le " Temple de Mars ", qu' eut lieu, le 15 Juillet 1804, la première distribution solennelle des croix de la Légion d' honneur. Napoléon voulut que cette cérémonie fût entourée du plus grand éclat. Après un éloquent discourt du grand chancelier, le comte de Lacépède, on fit l' appel des grand dignitaires, qui s' approchèrent successivement du trône de Napoléon pour prêter le serment individuel prescrit par les statuts. Puis, l' empereur se couvrit et, s' adressant aux commandants, officiers et légionnaires, prononça d' une voix forte la formule du serment. Tous les membres de la Légion, debout, la main levée, répondirent: "Je le jure".
Après la messe, les décorations furent déposées au-pied du trône dans des bassins d' or, et l' empereur les remit à leurs titulaires. Cette phase de la solennité inspira au peintre Debret le célèbre tableau que nous reproduisons et qui figure aujourd'hui au musée de Versailles.
Une tradition veut que le premier décoré ait été un vétéran du nom de Coignet ; une autre assure, au contraire, qu' au début de la fête l' empereur aurait appelé à lui le vénérable cardinal Caprara, représentant du Pape à Paris, et que, détachant de son cou le cordon rouge, il l' aurait tendu au prélat, qui fut, de ce fait, le premier membre de la Légion d' honneur. Quelque vieux officiers républicains, ceux que Bonaparte appelait les mauvaises têtes, ne répondirent pas à l' appel de leur nom. Mais l' immense majorité de l' Armée et de la Nation accueillit avec joie la création de la Légion d' honneur.
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Un mois plus tard, le 16 Août, cette fête devait se renouveler au camp d' Ambleteuse, près de Boulogne-sur-Mer, où se trouvait réunie une armée de 70.000 hommes destinée à la descente en Angleterre. Du haut de son trône, qui était, dit-on, le fauteuil de Dagobert et qui dominait un vaste hémicycle occupé par ses troupes, l' empereur découvrait toute l' armée, les batteries de côte, l' entrée du port et une partie de la rade. Les militaires désignés vinrent successivement recevoir des mains de Napoléon les croix qui leur étaient destinées. L' empereur prenait ces décorations non plus dans des bassins d' or, comme le mois précédent, aux Invalides, mais dans les casques et les cuirasses de Bayard et de Duguesclin. Pendant la cérémonie, des vaisseaux ennemis, s' étaient imprudemment approchés de la côte, furent canonnés par les bâtiments de la flottille française. Et, devant une foule de plus de cent mille personnes accourue de tous les points de la région septentrionale, la cérémonie se déroula, imposante et solennelle, au milieu des clameurs d' enthousiasme que ponctuait la grande voix du canon.
Le Petit Journal illustré du 31 Juillet 1904