DANS LE PORT DE MARSEILLE
La reprise du travail
Après de trop longs jours de chômage, le port de Marseille a repris
enfin toute son activité. La France entière ne peut que s'en réjouir.
Car c'est toute la France, en effet, qui est intéressée à
la prospérité de notre grand port méditerranéen.
Le long arrêt du travail dans le port de Marseille a été,
certes, des plus préjudiciables pour notre pays. Et quant au dommage
subi par la ville de Marseille elle-même, il est d'autant plus considérable
qu'en face d'elle, se dresse Gênes, sa rivale italienne, Gênes qui
redouble d'activité et fait des progrès continus.
A maintes reprises, durant la longue grève qui vient de prendre fin,
les économistes ont signalé, statistiques officielles en mains,
la nature et l'intensité du danger.
D'autre part, M. de Clercq, notre distingué consul général
à Gênes, a depuis longtemps poussé le cri d'alarme, et montré
que Marseille, gravement menacée, ne pouvait guère se permettre
le luxe de conflits quasi chroniques et de grèves souvent anarchiques.
Le progrès de Gênes est récent. Il date de moins de trente
années et ne s'affirme que depuis dix ans. Mais la marche ascendante
du port italien a été rapide. Il est aujourd'hui presque l'égal
de Marseille.
Il faut donc, que Marseille, loin de dépenser son énergie dans
des luttes intestines, tende au contraire toutes ses forces vers la défense,
car l'ennemi est à ses portes.
"A Gênes, disait récemment M. de Clercq, l'unique préoccupation
est de surpasser Marseille..." Et il ajoutait :
" Le maintien dans la Méditerranée
de la prééminence actuelle du port de Marseille, si sérieusement
menacée par sa rivale génoise, me paraît devoir être
considéré en France comme un intérêt national de
premier ordre... "
Il faut espérer que ces paroles seront entendues à Marseille et
que la vie de notre grand port méditerranéen ne sera plus interrompue
par de continuels conflits entre le Capital et le Travail.
Le Petit Journal illustré du 23 Octobre 1904