UN CORPS D'AMAZONES SIBÉRIENNES
La « sotnia » des femmes cosaques s'exerçant dans la plaine de Nikolsk-Oussourisk
Déjà, à plusieurs reprises, le Petit Journal a signalé
à ses lecteurs les traits d'héroïsme des femmes russes dans
la guerre d'Extrême-Orient ; et nous avons, ici même, consacré
par la gravure le souvenir de quelques-uns de ces hauts faits.
Rappelez-vous, notamment, au début de la guerre, l'acte courageux de
la femme d'un colonel de Vladivostok, qui sauva le drapeau du régiment
commandé par son mari ; et, tout récemment, le bel exemple d'abnégation
donné par la générale. Stoessel, blessée à
Port-Arthur, en soignant les victimes du siège.
Au mois de mai dernier, le Petit Journal nous a conté l'odyssée
glorieuse d'Antonine Vacilievna Petrova, qui habitait Saratov, et s'engagea
dans le 36e régiment d'infanterie partant pour l'Extrême-Orient.
Depuis lors se produisirent d'autres témoignages de la valeur féminine
chez les Russes.
Aujourd'hui ce n'est plus un exemple isolé. A Nikolsk-Oussourisk, en
Sibérie, un véritable corps d'amazones, une « sotnia »
féminine, vient de se constituer.
Elle compte cinquante-trois combattantes et a pour chef Mme Nadejda Trestschoff,
femme d'un haut fonctionnaire de chemin de fer. Revêtues d'uniformes de
cosaques, les guerrières font trois fois par semaine des manoeuvres à
cheval. Assises sur leur monture et en plein galop, elles tirent des coups de
fusil qui manquent rarement le but.
L'autre soir, il y avait une alerte; au bout de trente minutes toutes étaient
rassemblées au point de concentration indiqué et prêtes
à charger.
Parmi ces amazones, il y a plusieurs jeunes filles, entre autres Mlle Lieskone,
la plus brillante écuyère de toute la Sibérie. La sotnia
a son médecin-major, une doctoresse de la Faculté de Tomsk, et
une interprète.
Le général Kolioubakine, commandant de la place, a passé
en revue cette troupe et s'est montré très satisfait ; toutefois,
il a prescrit que les légionnaires doivent porter un insigne qui les
distingue des cosaques ordinaires.
Le lendemain, chacune des amazones avait, en forme de brassard, une jarretière
nouée autour du bras droit.
Elles sont charmantes, les jolies cosaques sibériennes, avec le long
caftan, le bonnet de fourrures, la culotte et les bottes, avec le sabre du Caucase
battant au côté et le Kindjal, à manche d'argent
passé dans la ceinture ; et de même que les amazones dans la tradition
antique, elles personnifient à merveille le type de la vaillance et de
la force unies à la grâce et à la beauté.
Le Petit Journal illustré du 30 Octobre 1904