UN ATTENTAT CRIMINEL

Le double déraillement de Chouzy


Les enquêtes menées à la suite du terrible accident qui s'est produit à Chouzy à neuf kilomètres de Blois, ont démontré incontestablement que la malveillance en est l'unique cause.
Un témoin de l'accident nous en a fait l'émouvant récit qui suit :
« Il était à peu près une heure et demie du matin, tout le monde dormait dans le rapide 31 qui va de Paris à Bordeaux.
Le train filait à toute allure, environ quatre-vingts à quatre-vingt-dix kilomètres à l'heure, lorsque, tout à coup, on le sentit s'arrêter brusquement.
Les wagons s'entre-choquèrent et les voyageurs, tirés de leur sommeil et réveillés en sursaut, se précipitèrent affolés sur la voie. On se trouvait entre les deux petites gares d'Onzain et de Chouzy. Le mécanicien et les hommes du train, interrogés, déclarèrent que des rails avaient été enlevés par malveillance de la voie et que la machine, après s'être enfoncée dans le ballast, s'était couchée sur le côté.
» Par bonheur, le mécanicien avait eu le temps de bloquer ses freins à fond, ce qui avait produit l'horrible secousse qui avait réveillé les voyageurs et les avait en même temps sauvés. En effet, aucun des wagons n'avait déraillé et pas un seul voyageur n'avait de blessures.
» Le choc reçu par le rapide fut si peu violent qu'un voyageur, couché dans le sleeping-car et qui dormait, continua à ronfler. Il fut réveillé par un agent de surveillance du train, et il fut tout surpris d'apprendre la nouvelle de la catastrophe.
» Or, à cet endroit, se croisent, toutes les nuits, le rapide de Paris et l'omnibus de Bretagne (train n° 18). Le chef de train s'empressa donc, conformément au règlement, de courir en avant de la locomotive renversée et, à une centaine de mètres, il posa des pétards sur les rails.
» A peine ce travail était-il achevé que le rapide de Nantes arrivait à toute vitesse. Les pétards éclataient, mais l'élan du convoi était sans doute tel que le train ne put s'arrêter assez tôt et vint s'abîmer sur la locomotive renversée du rapide de Paris.
» D'horribles cris retentirent de tous les côtés et l'on se précipita au secours des voyageurs du train de Nantes, où il y avait des tués et des blessés. »
On a constaté, en déblayant le terrain, qu'un rail avait été déboulonné et enlevé.
C'était là la cause de cet affreux accident, dans lequel quatre personnes ont trouvé la mort et une dizaine d'autres ont été blessées plus ou moins grièvement.

Le Petit Journal illustré du 6 Novembre 1904