LE BANDITISME A LA FRONTIÈRE
MAROCAINE
Une voiture de messageries attaquée par des
voleurs de grand chemin
Les désordres et l'état d'anarchie qui règnent
sur certains points du Maroc ont de dangereuses répercussions sur notre
frontière algérienne. Voici que les brigands de grand chemin se
livrent, à présent, à des attaques à main armée
sur nos routes d'Algérie.
Ces jours derniers, une voiture des messageries Tlemcen-Nemours, attelée
de trois bons trotteurs, quittait Tlemcen vers une heure de l'après-midi.
Elle était conduite par M. Canicio, directeur de messageries, accompagné
de sa femme et de M. Manuel Fillio, propriétaire de l'hôtel de
France, à Marnia.
La première partie du voyage, jusqu'au delà de Turenne, s'accomplit
sans encombre; mais à quelque kilomètres de là, au 291e,
vers quatre heures, sept ou huit indigènes, que les voyageurs virent
très distinctement à distance d'à peu près deux
cents mètres, tirèrent un premier coup de feu qui brisa l'avant-bras
gauche de M. Fillio, lequel, malgré sa blessure, riposta à son
tour.
M. Canicio cingla son attelage, qui dépassa vivement l'endroit où
s'étaient postés les brigands. Mais ceux-ci ouvrirent alors sur
eux un feu nourri et un projectile atteignit M. Canicio par derrière,
tandis que d'autres balles frappaient les chevaux de droite et de gauche qui
eurent néanmoins la forcé de continuer leur route sur près
d'un kilomètre, après quoi ils s'abattirent.
MM. Canicio et Fillio, malgré leurs blessures, sautèrent de voiture,
accompagnés de Mme Canicio, qui par miracle n'avait pas été
atteinte, et se sauvèrent aussi rapidement qu'ils le purent, dans des
broussailles avoisinantes où ils se cachèrent de leur mieux.
Pendant ce temps, les brigands fouillaient la voiture, espérant y trouver
20 ou 30,000 franc, que M. Canicio emportait habituellement pour le jour du
marché. Puis ils s'emparaient du troisième cheval, qui était
indemne, et filaient vivement vers la frontière.
Quelques instants après une autre diligence des messageries Tlemcen-Nemours
arrivait.
On relevait des trace de sang sur la route et on retrouvait les trois victimes
à quelque cent mètres dans le ravin.
Un des postillons détela la diligence et s'en alla au galop prévenir
les autorités militaires de Marnia et les trois voyageurs furent transportés
à l'hôpital militaire. M. Canicio y expirait la nuit même
dans les bras de sa femme.
Quant à M.Fillio, il était blessé grièvement.
Aussitôt que la nouvelle de cet attentat lui est parvenue, le bureau arabe
a envoyé de nombreux cavaliers vers les tribus de la frontière,
pour faire arrêter les coupables s'ils tentaient de se sauve au Maroc.
Le Petit Journal illustré du 13 Novembre 1904