L'AUTOMOBILE EN MANDCHOURIE


Le général Kouropatkine parcourt les lignes russes en automobile


Après avoir conquis les routes d'Europe et d'Amérique, voici que l'automobilisme triomphe en Mandchourie. On sait quels services rend l'automobile en temps de manoeuvres : les généraux, directeur des opérations et commandants de corps d'armée, usent largement de ce moyen de locomotion rapide pour l'inspection des troupes, la visite des cantonnements, la communication des ordres, etc.. Partout ou il y a des routes, l'automobile fait merveille...
Mais, me direz-vous, on nous a répété maintes fois que, tout justement, les routes manquaient en Mandchourie, ou plutôt qu'on n'y trouvait que de mauvais chemins défoncés par les pluies et à peu près impraticables.
Cela était vrai... mais ne l'est plus.
Les routes mandchouriennes, mal entretenues, sont détestables pendant la saison d'été; mais, dès qu'arrive l'hiver, la gelée répare les méfaits de la pluie. Le sol se durcit et les routes deviennent praticables pour tous les genres de locomotion.
Le général Kouropatkine n'a pas manqué de profiter de cette transformation des chemins dès les premiers jours de l'hiver. Il s'est pourvu d'une automobile de vingt chevaux qui lui permet de parcourir, à grande vitesse, le front de bataille, long de vingt-cinq miles (plus de quarante-six kilomètres).
L'auto du généralissime russe provoque, au passage, l'ébahissement et la terreur des Chinois. Les Fils du Ciel considèrent avec une crainte superstitieuse cette étrange voiture qui passe comme une trombe, et l'automobile leur apparaît comme un diable étranger qui vient se ruer à la conquête de leur pays.
Un expert automobiliste français, M. Ravoir, vient de passer trois semaines à Moukden, auprès du généralissime. Celui-ci lui a manifesté le désir d'avoir vingt automobiles construites spécialement pour le transport rapide des munitions dans les cas pressants. Ainsi, durant tout l'hiver, le ravitaillement des troupes russes sera facilement assuré par le moyen de l'automobilisme.
M. Ravoir, qui a vécu au milieu de l'armée russe et dans l'intimité du généralissime, rapporte que le moral des troupes est excellent. Il ajoute que les soldats sont pleins de confiance dans leurs chefs et que, peu sensibles aux rigueurs de l'hiver mandchourien, ils espèrent que Kouropatkine ne tardera pas à les ramener au combat.

Le Petit Journal illustré du 11 Décembre 1904