LE MOUVEMENT LIBÉRAL EN RUSSIE

Graves bagarres à Saint-Pétersbourg


A propos du procès des assassins de M. de Plehve, la dernière victime du terrorisme en Russie, une manifestation politique devait avoir lieu à Saint-Pétersbourg, le jour où s'ouvraient les débats.
Mais l'effervescence populaire n'a pas attendu cette date pour se manifester.
L'avant-veille de l'ouverture du procès se trouvant un dimanche, les étudiants se sont rendus en grand nombre sur la perspective Newsky où ils se sont groupés. Les manifestants, parmi lesquels se trouvaient beaucoup d'étudiantes, avaient arboré des drapeaux et divers emblèmes. lls lancèrent au public des proclamations séditieuses et crièrent "A bas l'autocratie!... Qu'on cesse la guerre!...."
Le gouvernement, qui s'attendait à un mouvement populaire, avait pris ses mesures.
D'importantes réserves de police à pied et à cheval et des pelotons de gendarmes se tenaient dissimulés dans des postes de la perspective Newsky et des rues adjacentes.
Ces postes cachés ont surgi subitement et ont chargé au grand galop la foule. Les manifestants, repoussés de la chaussée ont gagné les trottoirs dans une fuite désordonnée, en poussant des cris d'épouvante, qui ont augmenté encore d'intensité quand les agents à cheval ont monté sur les trottoirs.
Il y a eu alors une forte bagarre entre la police et la gendarmerie d'une part, les manifestants et le public d'autre part, et même entre les partisans de la manifestation et une partie du public protestataire.
On compte une cinquantaine de blessés.

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Il faut souhaiter que de telles manifestations politiques ne viennent pas, en se renouvelant, augmenter encore les embarras causés à la Russie parla guerre d'Extrême-Orient.
Les partis avancés et les étudiants russes ne peuvent méconnaître que, depuis la mort tragique de M. de Plehve, le gouvernement fait tous ses efforts pour entrer dans une voie plus libérale qu'autrefois. Le nouveau ministre de l'intérieur, prince Sviatopolsk-Mirsky, se montre partisan des réformes nécessaires.
Loin d'entraver l'oeuvre des Zemstvos (assemblées provinciales) qui se sont réunis récemment à Saint-Pétersbourg, il l'encourage.
Déjà, le gouvernement russe témoigne plus, d'indulgence pour les condamnés politiques et pour les Polonais et les Finlandais.
La jeunesse intellectuelle russe comprendra certainement qu'il faut laisser aux idées de mansuétude et de liberté le temps nécessaire à leur évolution, et que vouloir brusquer les résultats des initiatives bienfaisantes qui se font jour dans les hautes sphères gouvernementales, c'est le plus sûr moyen de les entraver.
Ce qui est grave cependant, et que l'on ne peut manquer de remarquer, c'est que la bourgeoisie de Moscou, seconde capitale de l'empire, tout en réprouvant les fauteurs de désordre dans la rue, prend solennellement la tête du mouvement libéral.
Les membres de l'assemblée municipale, réunis en séance publique, ont voté à l'unanimité des résolutions demandant au tsar la liberté de la presse, la liberté de conscience, la participation de la bourgeoisie à la direction des affaires de l'État.

Le Petit Journal illustré du 25 Décembre 1904