LES ÉVÉNEMENTS DU MAROC
Caravane d'Européens rentrant à Fez
On sait que, par suite des arrangements conclus récemment
par notre pays avec l'Angleterre et l'Espagne, le Maroc devait être,
sans contestation possible, ouvert à l'influence française.
Nous avons, d'ailleurs, de par le voisinage de notre colonie algérienne,
le plus évident intérêt à maintenir l'ordre dans
ce pays, afin d'assurer la tranquillité sur notre frontière
; et notre pénétration au Maroc est un fait qui s'impose par
le souci même de notre avenir en Algérie.
Au surplus, notre légitime ingérence dans les affaires du Maroc
n'avait pas attendu jusqu'à ces derniers temps pour se manifester,
puisque, depuis 1874, nous avons à Fez une mission militaire chargée
de l'instruction et de l'organisation de l'armée marocaine.
Mais il n'en est pas moins vrai que les traités récents, qui
reconnaissaient officiellement nos droits de pénétration dans
l'empire du Chérif, réveillèrent les craintes, les soupçons
et les haines assoupis au fond de l'âme musulmane. Et le maghzen,
qui est le gouvernement du sultan, Moulaï Abd-et-Azis, poussé
par le fanatisme des tribus, obtint du Chérif des mesures contraires
aux intérêts des nations occidentales en général
et de la France en particulier.
Les lecteurs du Petit Journal ont été, du reste, copieusement
et exactement renseignés sur la crise marocaine, car notre grand organe
populaire, qui ne recule devant rien pour obtenir en toute circonstance des
informations exactes et originales, avait, dès les premiers symptômes
d'agitation, envoyé à Tanger un de ses collaborateurs, très
documenté sur la question marocaine.
Bref, le maghzen ayant, ces temps derniers, obtenu du sultan le renvoi
de Fez de tous les Européens, y compris la mission française,
on crut un moment que la crise allait entrer dans une période aiguë
et que nos représentants au Maroc allaient être rappelés.
Déjà, des caravanes européennes avaient quitté
la capitale du Chérif, mais sur l'énergique intervention de
notre ambassadeur, M. Saint-René-Taillandier, le sultan rapporta son
décret d'expulsion. Les Européens, qui s'étaient empressés
de partir, rentrèrent à Fez.
La mission militaire française y demeurera, désormais, et une
autre mission - diplomatique cette fois - conduite par notre ambassadeur en
personne, y est attendue pour assurer définitivement les moyens d'action
de la France au Maroc.
La crise est donc - pour le moment du moins - terminée à la
satisfaction de tous. Et cette solution heureuse prouve tout au moins qu'en
certaines circonstances, un peu d'énergie ne messied pas.
Le Petit Journal illustré du 15 Janvier 1905