LE MINISTÈRE ROUVIER


Il est intéressant de constater que M. Rouvier, pour constituer le nouveau cabinet, n'a eu recours qu'à des députés et sénateurs du Midi et du Centre. Seul, M. Berteaux, député de Seine-et-Oise, touche aux régions septentrionales.
Au reste, passons rapidement en revue l'aréopage auquel sont confiées les destinées de la France:
M. Rouvier, président du conseil et ministre des finances, né à Aix en 1842, est sénateur des Alpes-Maritimes. Depuis 1877, il doit à sa haute compétence financière d'avoir été constamment de la commission du budget. Il fit partie du Grand Ministère en 1881, en qualité de ministre du commerce. En 1884-1885, il fut également ministre du commerce dans le cabinet Ferry. Le 30 mai 1887, il prit la présidence du conseil à la chute du ministère Goblet, et le garda jusqu'à l'époque où M. Carnot fut nommé président de la République. Il reprit le portefeuille des finances en 1889 et le garda sous les ministères Tirard (1889), de Freycinet (1890-1892), Loubet (1892), Ribot (1892-1893).
Depuis lors, il n'avait plus été ministre, jusqu'au jour où il entra dans le cabinet Combes.
M. Delcassé, député de l'Ariège; est ministre des affaires étrangères depuis six ans et demi, sans interruption. Il est âgé de cinquante-deux ans.
M. Étienne, ministre de l'intérieur, est député d'Oran. Il a été sous-secrétaire d'État aux colonies en 1887-1889 et 1892. Il est vice-président de la Chambre depuis 1902. M. Étienne a soixante ans.
M. Chaumié, avocat, qui passe du ministère de l'instruction publique à celui de la justice, est sénateur du Lot-et-Garonne depuis 1897 ; il a cinquante-six ans.
M. Berteaux, qui garde le portefeuille de la guerre qui lui avait été offert après la démission du général André, a cinquante-deux ans; il est député de la première circonscription de Versailles (Seine-et-Oise) depuis 1893, et agent de change près la Bourse de Paris.
M. Thomson est ministre de la marine. Ancien collaborateur de Gambetta à la République française, depuis l'origine, il est député de Constantine depuis 1877; il est âgé de cinquante-six ans.
M. Gauthier (de l'Aude), ministre des travaux publics, a cinquante-cinq ans. Docteur en médecine, il est sénateur depuis 1894.
Le portefeuille du commerce échoit au docteur Dubief, député de la 1re circonscription de Mâçon (Saône-et-Loire) depuis 1893, âgé , de cinquante quatre ans.
M. Bienvenu Martin, ministre de l'instruction publique et des cultes, ancien maître des requêtes au Conseil d'État, fut directeur du cabinet de M. Boulanger, ministre des colonies dans le cabinet Casimir-Perier en 1894; âgé de cinquante-sept ans, il est député de la 1re circonscription d'Auxerre (Yonne), depuis 1897, et est président du groupe de la gauche radicale-socialiste.
M. Ruau, ministre de l'agriculture, avocat, est député de la 2e circonscription de Saint-Gaudens (Haute-Garonne), depuis 1897 il est né en 1865.
M. Clémentel, qui devient ministre des colonies, est député de la 1re circonscription de Riom (Puy-de-Dôme) depuis 1900. Ancien notaire, il est né en 1864.

Notons, en outre, les noms des trois sous-secrétaires d'Etat : M. Merlou (finances), député d' Auxerre ; M; Dujardin-Beaumetz (beaux-aris), député de l'Aude ; M. Bérard (postes), député de l'Ain.

Nos lecteurs peuvent constater combien est juste la remarque faite plus haut.
Le ministère comprend, en effet, deux représentants de l'Algérie, six du Midi, cinq du Centre. Notez que l'Aude et l'Yonne ont également deux représentants dans le ministère.
Quant aux régions du Nord, de l'Est et de l'Ouest, qui concourent si largement à assurer la richesse et la prospérité de la France, elles n'ont aucune part dans la direction des affaires du pays.
Le fait n'est pas nouveau, d'ailleurs. Il y a longtemps que la représentation méridionale est la pépinière où se recrutent nos ministres. Mais jamais le Midi n'avait triomphé de façon aussi éclatante que cette fois.
Les populations du Nord, de l'Est et de l'Ouest n'auront pas lieu de s'étonner si leurs intérêts économiques, déjà si négligés par le dernier gouvernement, ne sont pas le principal objet des préoccupations du nouveau ministère.

Le Petit Journal illustré du 5 Février 1905