LES « PERCEURS DE MURAILLES ».

Une bijouterie cambriolée.

Le Petit Journal, dans un récent article sur le cambriolage, signalait combien sont variées les ressources d'imagination des voleurs d'aujourd'hui.
« Le vol par effraction, disait-il, est une industrie qui se transforme, qui progresse, qui se perfectionne chaque jour. »
Autrefois, en effet, le cambriolage était exercé par de pauvres hères qui se laissaient fréquemment surprendre à fracturer une porte rebelle. Aujourd'hui, le cambrioleur « arrivé » est un gentleman accompli. Son outillage a atteint la perfection de sa mise. Jadis, il se contentait d'un méchant fil de fer recourbé; maintenant, il a une trousse complète d'instruments perfectionnés qui lui permettent d'accomplir sa besogne promptement, proprement et sûrement.
Mais les progrès du cambriolage ont, à la fin, suscité chez les honnêtes gens le désir de se défendre contre les visites dévastatrices des voleurs. On a inventé maints systèmes de fermeture des portes : verrous qui rendent difficile l'emploi de la pince-monseigneur, serrures à crémone qui la rendent impossible.
Et force fut aux cambrioleurs de trouver du nouveau.
C'est ainsi que se constituèrent les bandes de « perceurs de murailles » qui, depuis quelques mois, ont fait si souvent parler d'elles.
Nos lecteurs n'ont pas oublié les vols qui se produisirent, à la fin de l'année dernière, chez un bijoutier du boulevard des Capucines, chez un fourreur de la Chaussée-d'Antin et chez un courtier en diamants de la rue de Belleville.
Ces vols étaient l'oeuvre d'une bande de « perceurs de murailles ». On parvint à mettre la main sur quelques-uns de ces cambrioleurs nouveau style et l'on arrêta également le receleur qui se chargeait d'écouler, en Angleterre, le produit de leurs vols.

Mais, depuis lors, d'autres méfaits du même genre ont été relevés sur divers points de Paris et particulièrement dans des maisons où habitent des bijoutiers ou des commerçants d'objets de luxe.
Ces jours derniers encore, la cour d'assises de la Seine condamnait à la relégation un de ces malfaiteurs convaincu d'avoir pénétré, en perçant un mur, dans un magasin de joaillerie du boulevard Sébastôpol et d'y avoir volé pour 45,000 francs de bijoux.
Or, la police n'en a pas fini avec les « perceurs de murailles ».

La façon de procéder de ces malfaiteurs est des plus simples. Tout entresol à louer au-dessus d'une boutique de bijouterie attire spécialement leur attention. Ils visitent l'appartement, l'arrêtent et, dès qu'ils en sont locataires, ils pratiquent dans le plafond un trou par le quel, au moyen d'une corde à nœuds, ils descendent au rez-de-chaussée.
Alors, il ne reste plus qu'à faire main-basse sur tous les objets de valeur, remonter à entresol par le même chemin et, enfin, à gagner la rue. Le tour est joué.
L'opération a lieu la nuit, naturellement.
Que tous ceux qui ont chez eux des richesses capables de tenter les malfaiteurs se gardent bien. Le voleur d'aujourd'hui dédaigne la porte. Rien ne l'arrête : il entre par les sous-sols, par les plafonds, par les murailles...
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Le cambrioleur est plus que jamais ingénieux. Soyons plus que jamais vigilants !

Le Petit Journal illustré du 19 Février 1905