ATTENTAT RÉVOLUTIONNAIRE A MOSCOU
Le Grand-Duc Serge, oncle du Tsar,
tué par l'explosion d'une bombe .
Le Grand-Duc Serge, oncle du Tsar, et commandant
en chef de la circonscription militaire de Moscou, vient de mourir dans des
circonstances tragiques qui rappellent l'assassinat de son père, le
Tsar Alexandre II.
C'est à Moscou, près du Palais de Justice, entre le Musée
Historique et le Kremlin, que ce produisit l'attentat. Au moment où
la voiture du Grand-Duc quittait le Musée Historique, un traîneau,
dans lequel se trouvaient deux hommes en civil, alla se placer au-devant.
Près du Palais de Justice, le traîneau se laissa dépasser.
A ce moment, la bombe fut jetée sous la voiture. L'explosion fut si
violente que toutes les vitres des fenêtres du Palais de Justice furent
brisées.
Sous les débris de la voiture, réduite en miettes, on ramassa
le corps du Grand-Duc, déchiqueté, la tête séparée
du tronc.
***
Le Grand-Duc Serge n'était pas du type puissant qui se retrouve chez
quelques-uns des Romanof : c'était une nature frêle et mélancolique.
Son visage allongé et pâle portait le signe d'une tristesse originelle
qui le marquait d'avance du sceau de la fatalité.
A Moscou, il avait exaspéré la jeunesse des écoles par
des mesures rigoureuses dont le général Trepof avait été
l'inflexible exécuteur.
Persuadé que tout le danger politique venait des jeunes gens des universités,
le Grand-Duc Serge avait ordonné des arrestations en masse suivies
de nombreux exils en Sibérie.
Il s'était également aliéné, par son caractère
autoritaire et cassant, les sympathies de la bourgeoisie moscovite.
On savait, en outre, que dans les conseils du Tsar, le Grand-Duc Serge représentait
avec une grande autorité le parti antilibéral, et l'on affirmait
que toutes les mesures réactionnaires de Nicolas II avaient été
conseillées et soutenues par lui.
Bref, dans l'opinion des révolutionnaires, le Grand-Duc Serge était
l'homme fatal, l'ennemi tout-puissant qui, par son influence auprès
de l'empereur, retardait l'avènement des libertés qu'ils souhaitaient.
Dès le début de Février le comité révolutionnaire
« L'organisation de combat », l'avait condamné. Et la sentence
a été exécutée impitoyablement par l'abominable
moyen si souvent employé en Russie : l'assassinat.
Le Petit Journal illustré du 5 Mars 1905