APRÈS LA BATAILLE
Traîneau, transportant des blessés
russes, attaqué par des Khoungouses
Les Khoungouses ont fait souvent parler d'eux depuis
le début de la guerre russo-japonaise.
D'où viennent les Khoungouses? Qui sont-ils? On l'ignore. L'ethnographie
n'a point encore déterminé de quelle souche ils dérivent
ou de quels résidus sont issus ces grands diables, aux faces huileuses,
qui portent leurs cheveux tordus en chignon au sommet de la tête. On
ne sait rien, sinon qu'ils sont de nature inquiétante et de contact
dangereux.
Ils forment des bandes organisées ayant presque toujours, en divers
endroits, de véritables bureaux de renseignements, qui leur donnent,
sur le mouvement commercial de la Mandchourie, de précieuses communications,
signalant la descente des bateaux chargés de marchandises qu'on peut
rançonner, la marche des caravanes qu'il leur est facile de surprendre
et de piller.
Car ils procèdent par surprises, se groupent, se réunissent
et attaquent à l'improviste.
Ils ont eu des chefs célèbres, tels que Haidengu, dont la capitale
était aux sources de la Soungari, et que le général russe
Fock mit un mois à réduire, en novembre 1900; puis, ce fut Tulensan,
contre lequel, en octobre 1903, il fallut mobiliser une colonne russe et qui
tient toujours la campagne, après avoir perdu son fidèle lieutenant,
le Russe renégat Fulenhoy, échappé du bagne de l'île
Sakhalin, qui donna aux bandes un semblant d'organisation.
Les Khoungouses marchent sous une bannière rouge, sur laquelle est
écrit ce seul mot, qui en dit long « Vengeance ! » Ils
ne détroussent plus seulement, aujourd'hui, les caravanes, mais inquiètent
les convois d'armée, enlevant les isolés et les traînards,
et sont, pour les armées russes, une préoccupation de tous les
instants. Lorsqu'on les prend, on les pend, sans autre orme de procès
; mais ils vont la mort avec un
stoïque dédain, et le dernier supplice les laisse indifférents...
.
Au reste, ils ne respectent rien. Les blessés eux-mêmes sont,
pour eux de bonne prise.
Après l'un des derniers combats aux environs de Moukden, le service
des ambulanciers russes dut se servir de traîneaux pour transporter
jusqu'à la prochaine gare du transmandchourien un convoi de blessés
qui devaient être renvoyés en Russie.
Dans la steppe, un parti de Khoungouses assaillit le convoi; et sans la rapidité
des chevaux et le courage des cosaques de l'escorte qui tinrent tête
aux pillards et finirent par les mettre en déroute, les malheureux
blessés fussent tombés entre les mains de ces bandits, plus
impitoyables mille fois que les Japonais.
Le Petit Journal illustré du 12 Mars 1905