APRÈS LA BATAILLE DE MOUKDEN

Le général Kouropatkine donne ordre à ses troupes de battre en retraite


Par l'énormité des moyens que les belligérants mettent en oeuvre, par la durée des engagements, par le nombre des blessés et des morts, la guerre russo japonaise se classe comme le plus formidable conflit de l'histoire.
A Liao-Yang, sur le Cha-Ho, 500,000 hommes s'étaient heurtés sans relâche en une série de combats qui, chaque fois, n'avaient pas duré moins de dix jours.
La lutte qui vient de se dérouter sous les murs de Moukden a été plus gigantesque encore. Les effectifs des deux armées y dépassaient 600,000 hommes, et les fronts de combat étaient de plus de 150 kilomètres.
Plus de 2,500 pièces de canon ont été mises en ligne. Quant au chiffre des blessés et des morts, en n'en a pas encore d'évaluations exactes, mais on peut croire qu'il est tel que le prévoyait le général Kouropatkine lorsque, au début des opérations devant Moukden, il prévenait la Croix-Rouge russe de se préparer à recevoir 50,000 blessés.
Les plus terribles rencontres du siècle dernier ne sont rien auprès de ces batailles interminables, de ces épouvantables tueries. En 1813, à Dresde, 380,000 combattants se trouvèrent en présence: à Leipzig, où la lutte dura trois jours, 200,000 Français furent aux prises avec 300,000 alliés. Dans la première de ces deux Batailles, 35,000 hommes tombèrent, tués ou blessés; dans la seconde, 60,000 furent mis hors de combat.
Les plus sanglantes journées da l'Année terrible, Gravelotte et Saint-Privat, où 140,000 Français luttèrent pendant deux jours contre 230,000 Prussiens, ont vu tomber 36,000 hommes.
Que sont ces chiffres comparés à ceux de la présente guerre où l'on compte par dizaine les jours de combats, par cinq ou six cent mille les effectifs en présence, et par centaines de mille les blessés et les morts!.

Le Petit Journal illustré du 19 Mars 1905