A L'ABORDAGE
L'équipage des douaniers maritimes de Dunkerque, s'empare d'un sloop de contrebande
La fraude est un peu moins active sur notre littoral
que sur nos frontières terrestres, et les douaniers côtiers,
dont le dévouement se manifeste chaque fois qu'il s'agit de sauver
des marins en péril, ont eu rarement aussi belle occasion, de se distinguer
que ces jours derniers à Dunkerque.
L'administration des douanes ayant eu vent que de hardis contrebandiers profitaient
des nuits de tempête pour introduire, à l'aide de barques, des
marchandises en France, le capitaine des douanes à Macé résolut
de faire une expédition le long de la côte.
Il fit armer le sloop Flandre, qui appartient à l'administration.
En compagnie du lieutenant Gorlas, de deux patrons et de douaniers patachiers,
le capitaine quitta le port vers trois heures et partit du côté
de l'Ouest. Vers six heures et demie, la vigie signala un navire suspect,
mouillé à quelques encablures, en face de Petit-Fort-Philippe.
En voyant le sloop des douanes, le bateau, de nationalité belge, leva
l'ancre et se dirigea vers la haute mer.
La Flandre lui donna la chasse, mais les vents étant contraires,
bien que la patache eût mis toutes voiles dehors, le sloop belge allait
disparaître. Le patron patachier Ramoudt prit quatre douaniers avec
lui dans une embarcation et fit force de rames vers le bâtiment en fuite,
qu'il rejoignit à la limite des eaux territoriales.
Quelques mètres plus loin, le sloop se trouvait en haute mer et la
douane française n'avait plus d'action sur lui.
Le patron belge, un colosse du nom de Swartewaeger, saisit une barre de fer
et menaça de fendre le crâne au premier douanier qui monterait
à bord. Ramoudt sortit alors son revolver, et ajusta le contrebandier
qui laissa tomber son arme.
Les douaniers grimpèrent à l'abordage et firent l'équipage
prisonnier. Le patron belge fut mis à bord de la Flandre, qui
se dirigea vers Dunkerque, ainsi que le sloop belge, dont le patron Ramoudt
avait pris le commandement.
Mais la tempête faisait rage. Elle sépara dans la nuit les deux
petits navires. Le premier, le sloop contrebandier entra dans le port vers
sept heures du matin.
Déjà on éprouvait de vives inquiétudes et l'on
parlait d'aller à la recherche de la Flandre quand le bateau
de la douane arriva enfin, vers onze heures.
Le sloop belge, qui est attaché au port de la Panne et porte le numéro
48, avait dans ses cales trente-trois paquets de 60 kilos de
tabac da Moravie, d'une valeur de 24,750 francs.
Voilà une belle expédition et une bonne prise dont les braves
douaniers dunkerquois pourront se féliciter en touchant la prime allouée
en pareil cas.
Le Petit Journal illustré du 9 avril 1905