A FEZ
Une audience solennelle du sultan du Maroc.
M. Saint-René Taillandier exposant, devant le sultan, le programme des réformes proposées par France.
Les adversaires
de l'influence française au Maroc se sont réjouis trop tôt
de la visite de l'empereur Guillaume à Tanger et ont tenté vainement
de donner à cette simple escale le caractère d'une protestation
de l'Allemagne contre les arrangements franco-anglais.
A les entendre, tout allait être rompu entre la France et le sultan,
et le parti du vieux Maroc triompherait.
Or, tout cela est de pure fantaisie. Guillaume II a passé comme une
ombre sur la côte marocaine, mais son passage n'a pas même interrompu
un seul instant les négociations entreprises entre M. Saint-René
Taillandier et le maghzen.
Chaque jour, depuis un mois et demi, les réunions plénières
des membres composant le conseil des notables ont lieu au palais chérifien,
à Fez. Ces réunions ont pour but de permettre au sultan de connaître
l'avis des délégués des villes sur les propositions du
ministre de France.
En outre, les entretiens sont fréquents entre M. Saint-René
Taillandier et Si-Dries-ben-Aich, porte-parole du sultan.; et Abd-el-Aziz
n'a pas cessé un seul instant de témoigner la plus vive estime
pour le représentant de la France au Maroc.
Les délégués des villes marocaines donnent, les uns après
les autres, leur avis par écrit sur le programme exposé par
l'ambassadeur. Mais il ne faut pas compter qu'après avoir reçu
tous ces avis le grand conseil du sultan fera une réponse catégorique
aux propositions françaises...
Les allures diplomatiques ne sont pas, d'ordinaire, si rapides.
L'état actuel des négociations ne peut encore donner lieu, de
la part du gouvernement marocain, à des réponses précises.
M. Saint-René Taillandier vient seulement d'accomplir la première
partie de sa tâche, qui était d'exposer théoriquement,
et dans leurs grandes lignes, les vues du gouvernement français. A
cet exposé, le maghzen répondra probablement dans quelques jours
par une vague déclaration de principes, plus ou moins favorable à
nos propositions, mais ne comportant, dans tous les cas,aucune sanction immédiate.
C'est à ce moment-là que commenceront les négociations
proprement dites et qu'on discutera le fonctionnement et tous les détails
de chacune des solutions sur lesquelles une adhésion de principe aura
été obtenue. Ces négociations retiendront probablement
l'ambassade à Fez plus de trois mois encore.
Donc, sachons être patients... La conversation continue...
Le Petit Journal illustré du 16 Avril 1905