A MADAGASCAR
Une poignée de héros. - Mort du sergent
Casalonga et de ses tirailleurs sénégalais dans l'église
d'Ampasimena.
Le Petit Journal a donné de nombreux
détails sur la rébellion qui, récemment, a éclaté
dans le Sud de la province de Farafangana à Madagascar, et qui est
aujourd'hui apaisée.
Une dizaine d'Européens, militaires, fonctionnaires ou colons, et un
assez grand nombre d'indigènes furent tués dès le début
de cette insurrection.
La révolte a éclaté
dans le pays des Antaisaka, tribu belliqueuse où se recrutent les tirailleurs
et les miliciens destines à la garde de la province. On conçoit,
des lors, quelles furent les alarmes des Européens, perdus au milieu
d'une population en révolte, et n'ayant que des troupes douteuses pour
les protéger.
Heureusement, la répression fut rapidement organisée. On envoya
à Farafangana la canonnière Havraise, avec des tirailleurs
de la garnison de Tamatave, et les insurges furent vigoureusement poursuivis.
Néanmoins, la campagne nécessita des opérations militaires
fort dures, qui nous coûtèrent des pertes sensibles. Le général
Galliéni, gouverneur de la grande île, vient de publier un ordre
du jour dans lequel il cite les officiers et les soldats qui se sont particulièrement
distingués au cours de l'expédition.
Parmi ces citations, il en est une qui méritait d'être particulièrement
glorifiée; et nous avons voulu en fixer le souvenir au coeur de tous
les vrais patriotes en faisant le sujet d'une de nos gravures.
Elle concerne le sergent Casalonga, du 3e tirailleurs sénégalais.
Ce sous officier se trouva tout à coup assiégé dans la
petite église du village d'Ampasimena, par des bandes nombreuses de
rebelles. Il n avait avec lui que neuf hommes de sa compagnie, mais ces hommes
étaient braves, comme leur chef , ils jurèrent de lutter jusqu'à
1a dernière goutte de leur sang, et ils surent tenir largement leur
parole.
Dix jours durant, la petite troupe, derrière les murs branlants de
la bicoque, soutint les assauts furieux de l'ennemi. Le combat ne se termina
que, par l'anéantissement complet du détachement ; les rebelles
vainqueurs n'eurent même pas la satisfaction de s'emparer d'un seul
fusil, les armes ayant été brisées au fur et à
mesure que tombaient les hommes qui les tenaient, et le dernier tirailleur,
frappé à mort, ayant eu, avant de succomber, la force de détruire
son arme.
La défense de la petite église d'Ampasimena n'est-elle pas digne
de prendre place parmi les plus beaux faits d'armes de ce genre: Sidi-Brahim,
Mazagran, Tuyen-Quan ? Et l'héroïsme simple de ce modeste sergent
n'est-il pas-une fière réponse aux désolants discours
des sans-patrie?
Le Petit Journal illustré du 16 avril 1905