SANGLANTES ÉMEUTES DE LIMOGES
Les manifestants essayent d'enfoncer les portes de la prison
La grève générale des porcelainiers
de Limoges a, par suite de l'exaltation des esprits, dégénéré
en émeutes sanglantes, hélas !
Une foule d'émeutiers, composée en majorité non pas seulement
de vrais travailleurs, mais de délégués de ces comités
révolutionnaires qui semblent sortir de terre chaque fois qu'en un
point quelconque du territoire éclate un conflit économique
ou social, s'est livrée aux pires excès. Des fabriques ont été
envahies et saccagées, des boutiques d'armuriers mises au pillage.
On a essayé de faire sauter, à l'aide de bombes, les maisons
des directeurs d'usines ; on a dressé des barricades, lapidé
la troupe et promené par toute la ville le drapeau rouge et le drapeau
noir. Les théoriciens en quête de popularité facile qui,
par leurs discours et leur propagande avaient déchaîné
le désordre dans cette malheureuse cité, ont été
débordés eux-mêmes et incapables d'arrêter le mouvement
d'insurrection qu'ils avaient créé. Leurs efforts ont été
vains, leurs regrets arrivent trop tard.
Le préfet ayant refusé de remettre en liberté quelques
émeutiers arrêtés, la foule surexcitée se rendit
devant la prison et tenta d'y pénétrer par la force. Le portail
fut enfoncé ; mais l'émeute dut reculer devant l'attitude décidée
des soldats du poste qui l'attendaient, la baïonnette en arrêt.
Au moment où un malheur allait se produire, un escadron de dragons
arrivant au galop, fort à point, dégageait la prison et dispersait
les manifestants.
Malheureusement, des incidents plus graves se produisaient quelques heures
plus tard, an jardin d'Orsay. La foule, grimpée sur les terrasses,
bombardait la troupe d'une grêle de pierres et de projectiles de toutes
sortes. Des coups de revolver furent tirés. Les sommations lugubres
furent faites ; puis les soldats reçurent l'ordre, alors, de décharger
leurs fusils en l'air. Quelques-uns, exaspérés par les outrages
et les coups, ont tiré trop bas, dit-on, devant eux.
Il y eut, parmi les manifestants, un mort et trois blessés.
D'autre part, la troupe n'a pas compté moins de sept officiers et de
soixante-trois hommes blessés dans cette sanglante bagarre.
Il est regrettable qu'on n'ait pas pris, dès les premiers troubles,
d'énergiques mesures préventives. Au lieu d'avoir à réprimer
de tels excès et d'avoir à se lamenter sur le sort de tant de
victimes intéressantes, il eût été plus prudent
et plus sage d'empêcher les rassemblements à l'ombre du drapeau
noir de se produire.
Le Petit Journal illustré du 30 Avril 1905