SUR LA ROUTE DE KHARBIN
Reconnaissance de cavalerie japonaise
Depuis la grande bataille de Moukden, les armées
en présence s'observent, et, sauf quelques escarmouches, les rencontres
entre Russes et Japonais ont été rares et peu importantes.
Les Nippons profitent de cette accalmie, nécessitée par
la reconstitution des corps d'armée si éprouvés,
pour compléter le réseau d'espionnage et de surveillance
dans lequel ils ont, depuis le début de la guerre, enserré
l'armée russe.
Tandis que leurs espions réussissent à se glisser jusque
dans la ville même de Vladivostok, leurs éclaireurs se répandent
en grand nombre sur les routes de la haute Mandchourie.
On avait, au début de la guerre, dit beaucoup de mal de la cavalerie
japonaise.
On se basait pour cela sur ce fait qu'au Japon les chevaux sont rares
et souvent inutilisés. A Tokio, c'est une véritable surprise
d'apercevoir une voiture attelée d'un cheval. On peut parcourir
toute une journée cette immense ville, sans rencontrer autre chose
que des tramways électriques ou de ces petites voitures traînées
par des hommes qu'on appelle des djinns.
Les chevaux japonais sont d'ailleurs des animaux disgracieux, petits,
indociles et mal dressés, de même que les cavaliers sont
choisis dans l'armée parmi les sujets les plus faibles et les moins
bien proportionnés.
De tout cela, on avait conclu que l'insuccès de la cavalerie nippone
était fatal dans les combats avec les cosaques, robustes, rompus
à la fatigue et habiles à tous les exercices équestres.
L'événement n'a pas, jusqu'ici, réalisé ces
prévisions. Les cosaques, ces fameux cosaques qui avaient laissé
chez nous de si terribles souvenirs, n'ont pas donné ce qu'on attendait
d'eux ; et un officier européen, qui a suivi les opérations
depuis le commencement de la guerre écrivait récemment ces
lignes bien faites pour nous surprendre :
« La cavalerie japonaise est mal montée, mais supérieure
encore à la cavalerie russe dans le service d'éclaireurs.
Les cosaques sont encore plus mal montés
et très insuffisamment instruits.... »
Il est certain que, dans cette guerre, c'est l'infanterie et l'artillerie
qui se sont le plus distinguées. L'action de la cavalerie y est
apparue secondaire ; mais on ne peut nier que le service d'éclaireurs
de l'armée d'Oyama ait été fait de telle façon
que les Japonais ont été, en toutes circonstances, au courant
des moindres mouvements de leurs adversaires.
Il faut dire que les opérations se sont déroulées
jusqu'ici en pays accidenté, peu propre à l'action de la
cavalerie.
Or, en remontant vers le Nord, les plaines s'élargissent. La cavalerie
va pouvoir, de ce fait, ne plus se contenter uniquement de son rôle
d'éclaireur et prendre une part dans l'action.
L'infériorité des Japonais apparaîtra-t-elle, et les
cosaques, qui jusqu'ici ont complètement failli à leur réputation,
vont-ils enfin prendre une éclatante revanche ?
Le Petit Journal illustré
du 30 avril 1905
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