ENVOI DE RENFORTS A L'ARMÉE RUSSE DE MANDCHOURIE

Un wagon de cavalerie cosaque sur le transsibérien


Depuis l'épouvantable tuerie de Moukden, les armées en présence ont reformé leurs effectifs.
Deux cent mille hommes, à ce qu'affirmaient les dépêches de Tôkio, sont venus renforcer l'armée d'Oyama.
Deux cent mille!... Où les Japonais les auraient-ils pris?...
Quoi qu'il en soit, du côté des Russes on n'est pas resté inactif. Les réserves d'hommes que contient l'immense empire du tsar ont permis l'envoi à Liniévitch de forces nouvelles ; et le transsibérien, depuis lors, n'a pas cessé un seul jour de transporter vers Kharbin soldats, chevaux, artillerie et matériel de toutes sortes.
Le nouveau commandant en chef des armées russes d'Extrême-Orient, frappé par l'insuffisance qu'a montrée jusqu'ici le service d'éclaireurs, a réclamé, surtout, des renforts de cavalerie.
Notre gravure de huitième page montre de quelle façon s'effectue le transport de ces troupes par le transsibérien.
Depuis deux mois, un grand nombre de cosaques des garnisons sibériennes ont été ainsi dirigés sur la Mandchourie, et Liniévitch va pouvoir, à la reprise des hostilités, disposer d'une cavalerie nombreuse, qu'il pourra opposer sans crainte à la médiocre cavalerie japonaise.
C'est de ce côté, surtout, que la Russie possède des ressources inépuisables.
Tous les hommes des grandes tribus sibériennes sont de merveilleux cavaliers, et, quant aux chevaux, leur nombre est incalculable.
On évalue que la Russie d'Europe renferme environ vingt-deux millions de chevaux, soit on moyenne vingt-six chevaux par cent habitants, proportion qui n'existe dans aucun autre pays.
Il n'est guère possible d'en déterminer le
nombre dans la Russie d'Asie, faute de données statistique. Toutefois, on estime que ce nombre est encore supérieur à celui de la Russie d'Europe. En effet, il n'est pas de ménage kirghise, si pauvre soit-il, qui ne possède moins de quinze à vingt chevaux ; et il est de riches propriétaires qui en ont jusqu'à huit et dix mille. Or, les ménages kirghises dépassent le chiffre de trois cent mille.
Et notez que ce n'est là qu'une partie de la Sibérie. Dans tout le reste du pays, il en est de même quant au nombre des chevaux.
La Russie est donc de tous les pays du monde celui qui peut mettre sur pied la plus formidable cavalerie.

Le Petit Journal illustré du 7 Mai 1905