LE DÉPART DU CHAH DE PERSE POUR L'EUROPE

Mouzaffer-Eddin quittant Téhéran en automobile
Le chah vient de quitter ses États pour un nouveau voyage en Europe. Mais, cette fois, dédaignant chevaux et voitures, le chah, en sportsman convaincu, est parti en automobile.
Ajoutons que l'auto du chah, comme toute bonne auto qui se respecte, est de fabrication française.
Donc, Mouzaffer-Eddin, au grand émoi de son peuple, a quitté Téhéran et s'est mis en route vers la frontière russe du Caucase. Il voyage à petites journées, car il n'aime pas les grandes vitesses; et, du reste, l'état de la grand'route de Téhéran à la Caspienne ne le permettrait guère.
Parvenu sur territoire russe, le chah abandonnera son automobile et prendra le chemin de fer.
Une dépêche annonçait, ces jours derniers, qu'une indisposition l'avait forcé à s'arrêter dès le début de son voyage à Kassvin, entre Téhéran et Enseli. Il faut espérer que cette indisposition n'aura pas de suites graves et n'entravera pas les projets du souverain persan.
Mouzaffer-Eddin viendra d'abord à Contrexéville faire sa cure habituelle, après quoi il passera quelques jours à Paris. Enfin, il rendra visite à plusieurs souverains d'Europe. La reine Wilhelmine, l'empereur François-Joseph notamment, l'ont invité à s'arrêter à La Haye et à Vienne.
Rappelons que la cour persane tient la France et la civilisation française en une estime toute particulière. Après les douloureux événements de 1870, le chah Nasr-Eddin, père du monarque actuel, fut le premier souverain qui vint officiellement en France. Le maréchal de Mac-Mahon, alors Président de la République, le reçut en grande pompe.
Mouzaffer-Éddin monta sur le trône en 1896 - son père ayant été assassiné par un fanatique - et, depuis lors, il a donné des preuves fréquentes de son esprit de justice et de son amour du progrès.
Plusieurs Français occupent à sa cour de hautes dignités : tels le général Lemaire, chef de ses musiques, et M. H. Simons, son maître jardinier.
Son ministre des travaux publics, Mohadèsel-Mamalek, fut un brillant élève de l'École polytechnique.
Mouzaffer-Éddin est venu deux fois déjà dans notre pays. Paris, qu'il reverra bientôt, lui réserve le même accueil enthousiaste et respectueux

Le Petit Journal illustré du 4 Juin 1905