ATTENTAT CONTRE LE ROI D'ESPAGNE

Explosion d'une bombe rue de Rivoli


Les théories coupables de M. Gustave Hervé, les excitations des internationalistes et des sans-patrie, les menées anarchistes qu'on a eu la faiblesse de laisser se produire librement ces temps derniers, ont porté leurs fruits.
Une bombe a été lancée contre la voiture dans laquelle le roi d'Espagne et M. Loubet, venant de l'Opéra, regagnaient le ministère des affaires étrangères.
La belle journée que le roi avait consacrée tout entière à Paris, et durant laquelle la population n'avait cessé de lui prodiguer les marques de son enthousiasme joyeux, s'est ainsi malheureusement terminée par un incident lamentable qui eût pu être une catastrophe.
Il était environ minuit et demi. Le cortège royal, acclamé sur tout le parcours de l'avenue de l'Opéra, très brillamment, illuminée, se trouvait à l'angle de la rue de Rohan et de la rue de Rivoli.
Tout à coup, une détonation retentit comme un coup de canon; une flamme jaune brille à gauche de la voiture du roi. Un cheval est soulevé de terre, puis retombe lourdement, mort, éventré. Un autre cheval s'emballe et court sur les curieux massés sur les trottoirs de la rue de Rivoli. Une panique effroyable se met dans la foule qui s'enfuit en une bousculade folle. Des cris de douleur se font entendre. Il y a des blessés.
Mais la voiture royale est intacte. Le roi et M. Loubet ne se sont pas un seul instant mépris sur la portée criminelle de l'attentat dont ils viennent d'être miraculeusement préservés. Mais l'un et l'autre ont gardé tout leur sang-froid. Même Alphonse XIII s'est levé crânement dans la voiture pour bien montrer à la foule qu'il n'était pas blessé.
Les cavaliers de l'escorte se sont alors rapprochés encore plus complètement du landau royal qu'ils entouraient, et, en rangs serrés, ils ont, comme ils en avaient reçu l'ordre, continué leur course à travers la rue de Rivoli, vers le quai d'Orsay.

Vingt personnes blessées, un cheval tué, tel est le bilan de cet affreux attentat qui, s'il a heureusement manqué son but, n'en a pas moins soulevé l'indignation générale parmi la population parisienne.
Devant la belle et courageuse contenance du jeune roi, les voeux de tous les bons Français se sont tournés vers la reine Marie-Christine qui là-bas, à Madrid, songe aux périls qu'affronte son fils.
Et la pensée de la France entière s'est envolée vers cette mère admirable, pour partager
son angoisse et se réjouir avec elle des circonstances qui ont sauvé son enfant.

Le Petit Journal illustré du 11 Juin 1905